dimanche 14 février 2010

La corruption durable

“Il y a plusieurs types de corruption : détournement, vol, favoritisme, délit d’initié, etc.” C’est Belkhadem, ministre d’État représentant personnel du président de la République qui parle. L’ancien instituteur de Tiaret en est, apparemment, au niveau de la recherche sur le sujet. L’effort méthodologique n’est pas inutile. De sa typologie de la corruption découle une première implication concernant la démarche de traitement du phénomène : “Si c’est un vol, il faut le traiter comme tel ; si c’est du favoritisme, il faut le traiter comme tel, et ainsi de suite.”

Seconde implication de cet effort darwinien de classification : “Le sujet est trop sensible pour être traité aussi précipitamment. Il faudrait au préalable le mûrir et approfondir le débat avant d’adopter un quelconque texte”, dit le ministre. Autrement dit, le projet de décret hâtivement concocté par le Premier ministre ne convient pas à une question aussi subtile. Tant qu’on n’a pas saisi la complexité du sujet, il faut le laisser… aux “spécialistes”, préconise-t-il.

Aux “experts”, pour paraphraser le titre d’une fiction télévisuelle actuellement en vogue. Pour soutenir l’argument “scientifique” et jeter la suspicion sur le projet de décret prêté à Ouyahia, Belkhadem fait le parallèle entre la conjoncture “qui prévaut depuis quelques jours” et “celle de 1998”. À raison, parce que la sortie de l’impasse créée, à l’époque, par une chasse aux sorcières d’inspiration politique avait ultérieurement nécessité une intervention politique. Mais à tort aussi, parce que l’offensive ne concernait que les dirigeants d’entreprise et tenait à un motif différent et juridiquement aberrant : “la mauvaise gestion”.

Ce qui semble le plus préoccuper Belkhadem, ce n’est au demeurant pas les poursuites, même dans la précipitation, contre les corrompus, mais la “suspicion généralisée” – vers le haut, surtout. “(…) À ce stade pénal, la responsabilité est individuelle. On ne peut évoquer la responsabilité morale ou politique qu’après que la justice eut fait son travail”, dit-il, rejoignant ainsi, et sur l’essentiel, Ouyahia qui avait préconisé la même circonspection. Il n’y a que le sens de l’humour de Belkhadem pour l’autoriser à demander aux Algériens d’attendre de la justice “indépendante” qu’elle leur présente les responsables politiques du pillage national.

D’ailleurs, on peut conclure avec Belkhadem, toujours, que “les scandales ont toujours existé et (que) rien ne dit qu’ils n’existeront pas encore”. Non, rien ne dit qu’ils disparaîtront, voire qu’ils diminueront ! Et c’est le ministre encore qui nous en donne la preuve : “Même lors des élections parlementaires aux Assemblées nationales, il y a eu des cas de corruption, de l’argent sale.”

C’est vrai : peut-on croire, en effet, qu’un personnel politique qui fraude et corrompt les électeurs hésitera à falsifier les comptes et à corrompre les partenaires économiques ?
Khelil vient de nous apprendre que le nord du pays recèle aussi des gisements d’hydrocarbures. Oui, les scandales existeront toujours. Même lorsque l’immense Sahara sera asséché. En se renouvelant, nos ressources non renouvelables entretiendront la durabilité de notre corruption. Et de notre système.

Par : Mustapha Hammouche

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