dimanche 14 février 2010

Il fait froid mais il y a plus grave

Il fait froid sur les hauteurs et même un peu plus bas. Les basses températures ont leurs faux dévots qui s'accrochent encore à quelques images d'un romantisme ringard mais toujours tenace. Ils ont même le droit d'être ringards, les romantiques. Mais ils ont surtout les moyens.

D'aller exposer des poitrines protégées de laine et de cuir au vent glacial face à la mer. De voir regarder les vagues en furie s'écraser sur des rochers qui leur renvoient des gouttelettes salées sur des pans de visage ignorées par les écharpes soyeuses. Il fait froid dans leurs têtes mais ils ne le savent pas. Ils vont alors défier la montagne, sur le toit de leurs véhicules des skis inutiles et d'autres objets saugrenus.

Il n'y a pas assez de neige pour le grand slalom mais assez pour la grosse frime. Alors, les faux dévots prennent d'assaut les hauteurs à défaut de prendre de la hauteur.

Ils mettent le pays profond et vrai dans leur dos et partent en escalade. Au bout, il n'y aura que les restes de barbecue toujours brûlé faute de savoir-faire et la hâte de rentrer à la maison parce qu'il y a plus de chance d'être vu sur la route ou devant le garage que sur des pistes factices d'une poudreuse rachitique. Il fait froid sur des hauteurs orphelines de gibier de bois sec et de vin chaud.

Les riches ringards savent rentrer à la maison quand plus personne n'accorde un regard à leur exhibition. Retrouver des rideaux aux couleurs de maison clause et leurs cheminées en stuc de pacotille où le chêne n'a jamais brûlé. Ils s'enferment, s'empiffrent de plats sans saveur en regardant sur leurs écrans plasma un cinéma de dernière zone avant de ronfler dans leurs cauchemars chroniques. La tête désertée par le rêve et le ventre inconnu du courage des hommes.

Demain ils recommenceront si le mercure ne remonte pas. Ils iront défricher d'autres champs de ridicule et polluer les travées de la vraie vie.

Il fait encore froid dans leur tête et ils ne le savent toujours pas, occupés qu'ils sont à couvrir leur dos au lieu de libérer le soleil obstrué par leur carcasse. Ils reprennent le chemin de la mer qui ignore leurs défilés d'ignares endimanchés et leurs plastronnades de parvenus chapardeurs.

Et la montagne les regardera de haut comme elle a toujours regardé ceux qui manquent d'égard à ses neiges éternelles. Alors, ils retourneront encore s'enfermer comme s'enferment ceux qui n'ont ni mer ni montagne. Mais ils recommenceront encore. Il fera toujours froid dans leur tête et le mercure n'y est pour rien, qu'il monte ou qu'il descende.

Slimane Lahouari

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