mardi 6 octobre 2009

L’UMA suspendue au fait des «rois»

Lors d’une réunion à Tunis, le Conseil consultatif de l’UMA (Union du Maghreb arabe) appelait les dirigeants maghrébins à réunir «les conditions nécessaires à la tenue du conseil des chefs d’Etat dans les plus brefs délais» afin, indique-t-il, de «relancer l’action de l’UMA». Il est patent que cet appel du CC-UMA part du bon sens tant il est vrai que la construction du Grand Maghreb a connu un retard pénalisant qui, à terme, isolera cette région du continent africain, au moment où partout ailleurs la dynamique des regroupements régionaux ne se dément pas. Aux plans politique, économique, stratégique, aucun pays - alors que la mondialisation et la globalisation sont devenues une part tangible du développement humain - ne peut aujourd’hui subsister par ses seuls moyens.

A plus forte raison lorsque ces pays sont confrontés à des problématiques dont la solution requiert une volonté politique affirmée. C’est loin d’être le cas de l’UMA où ce qui manque le plus et encore et toujours, c’est la volonté politique. Cette panne de l’UMA est de fait consécutive à son acte fondateur lui-même qui stipule dans son article 6 du traité de Marrakech que «seul le Conseil de la présidence de l’UMA a le droit de prendre des décisions mais des décisions prises à l’unanimité». Explicitement, cela veut dire que toute décision qui engage le groupe doit être prise par les cinq dirigeants, des pays du Maghreb, décision assortie en outre de «l’unanimité».
Or, il n’y a plus eu de réunion au sommet de l’UMA depuis 1994 du fait du boycott par les souverains chérifiens (Hassan II d’abord, Mohammed VI ensuite) des rencontres des chefs d’Etat organisées tant à Alger, Tunis, Tripoli ou Nouakchott... Pour dire les choses crûment, le Maroc, en choisissant la politique de la chaise vide - faisant interférer un dossier (la question sahraouie) qui relève des instances de décolonisation de l’ONU dans la construction du Maghreb - a largement contribué au blocage des institutions de l’organisme maghrébin qui ne peut prendre aucune décision d’ordre politique, économique ou stratégique, engageant le Maghreb puisque l’article 6, évoqué, s’y oppose.

En verrouillant le texte fondateur de l’UMA et en laissant des dossiers pris en charge par les instances internationales, interagir dans la construction du Grand Maghreb, les dirigeants maghrébins ont perdu de vue l’impératif de l’intégration régionale, condition sine qua non pour ne pas rester en marge d’un processus de mondialisation qui écrase les pays faibles sur son passage. Sans répondant politique et économique, l’UMA n’est qu’une coquille vide. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, malgré ce constat mitigé, l’UMA fonctionne et existe par ses regroupements sectoriels (UMA des Banques, des Assurances, des Chemins de fer et plusieurs autres activités).

Mais cela reste insuffisant pour donner à l’UMA la dimension politique qui lui fait tant défaut. De fait, lorsque les décisions appartiennent à des institutions ou des organisations professionnelles, l’UMA fonctionne. C’est donc à la tête que cela ne va pas. Au moment où des regroupements régionaux en Afrique, en Europe, en Amérique latine sont arrivés à unir leurs politiques économique, diplomatique et monétaire, piliers de la nouvelle dynamique mondiale, au Maghreb on est encore suspendu au fait des «rois».

Aussi, l’engagement du Conseil consultatif de l’Union du Maghreb à «poursuivre ses efforts pour l’édification du Maghreb arabe sur des bases solides afin de relever les défis qui se posent et accélérer le rythme de la construction de l’UMA» risque fort de demeurer un voeu pieux, quand personne ne sait en réalité quand aura lieu le 8e sommet de l’UMA reporté sine die en 1994... depuis quinze ans.

N. KRIM

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