mardi 1 septembre 2009

Omerta à l’algérienne

Les organismes internationaux de lutte contre la corruption classent, depuis une dizaine d’années, l’Algérie dans le peloton de tête des pays gangrenés par ce phénomène. Les journaux algériens rapportent régulièrement des histoires de détournement de fonds, de dilapidation de deniers publics par des fonctionnaires, hauts ou petits. Un système maffieux s’est installé dans les rouages les plus élevés de l’Etat, mais il était difficile de le dénoncer faute de preuves, même si les corrompus affichent ostensiblement le fruit de leurs rapines. Il faut dire qu’à part les lampistes et des voyous à un niveau un peu plus élevé, l’impunité est devenue la règle pour les requins, surtout ceux qui ont occupé de hautes fonctions. La protection est donc garantie si le délit n’arrive pas sur la place publique.

Deux révélations viennent de défrayer la chronique sans que les gouvernants daignent donner des explications aux citoyens. Dans une de ses récentes livraisons, El Watan a révélé l’existence d’un trafic de thon rouge entre marins pêcheurs algériens et maffiosi turcs. Mais ce qui est plus grave, il annonce que dans cette affaire, le secrétaire général du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques (dirigé par le MSP) et un directeur du même ministère ont été inculpés pour complicité. Le Soir d’Algérie enfonce le clou en affirmant que ce trafic fait suite à un accord politique conclu entre le MSP et le Parti islamiste turc au pouvoir à Ankara, tous deux membres de l’Internationale des Frères musulmans.

L’autre scandale, si scandale il y a, a été révélé par El Khabar-Hebdo. Ce dernier accuse Saïd Barkat d’avoir acheté à prix d’or, à l’époque où il était ministre de l’Agriculture, du matériel agricole d’Espagne. Il lui est reproché en outre d’avoir détourné au profit de ses amis de l’aide destinée aux petits paysans et d’avoir consacré, pour la seule wilaya de Biskra, 70% du budget destiné au développement de 14 wilayas du Sud. Dans les deux cas, dont la gravité n’échappe à personne, les autorités observent un silence malsain.

Pourtant, jamais des accusations n’ont été lancées contre des personnes occupant de telles fonctions. On ne sait pas si le procureur général a ouvert des dossiers sur ces deux affaires, comme l’y oblige la loi. Les partis sont eux aussi muets alors que leur premier devoir est d’interpeller le gouvernement. Il ne faut pas s’attendre en outre que l’Assemblée nationale ou le Sénat fassent leur devoir. Ils sont bien à l’aise dans leur posture de rentiers et ils ne veulent ni déranger ni être dérangés.

Aucun des journaux n’a été interpellé par les autorités pour faire la lumière. Le ministère de le Pêche a bien envoyé une mise au point à El Watan, mais à aucun moment il n’a cherché à disculper son secrétaire général. Y a-t-il une volonté, en « haut lieu » comme on dit, pour faire oublier ces deux affaires afin de les étouffer et les classer ? Dans ce cas, il y a une preuve flagrante que la corruption constitue un mode de gouvernance pour le système. « Les chiens aboient, la caravane passe », semble être la réponse du pouvoir à ceux qui s’intéressent aux comportements maffieux.

Par Tayeb Belghiche

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