samedi 5 septembre 2009

Ministre et sinistre

Beaucoup de gens n’ont pas attendu le célèbre «enrichissez-vous!» de Guizot, ministre de Louis-Philippe, pour se mettre au boulot et se remplir les poches. Il y a l’enrichissement licite qui se traduit par l’accumulation des produits d’un travail honnête. L’artiste qui émet une oeuvre à succès, l’inventeur auteur d’un brevet, l’agriculteur ou l’industriel avisé...L’enrichissement malhonnête consiste en un détournement du produit d’autrui: le vol, la spéculation, le trafic et l’exploitation des autres. Les gens s’enrichissent soit pour se sentir plus en sécurité, soit pour affirmer un ego sur-dimensionné. Les sociétés organisées (les démocraties) essaient de combattre l’enrichissement illicite par tous les moyens tandis que les dictatures sont souvent l’émanation de réseaux d’individus qui exploitent le produit intérieur de leur pays.

Alors que l’austérité est souvent imposée à un peuple divisé, désorganisé et ignorant des pompes à fric qui vident un pays, les membres de la ploutocratie (la kleptocratie comme la désigne mon ami Sid-Ahmed) se servent généreusement et dilapident souvent à l’étranger, le produit de leurs larcins. Le peuple amateur de scandales, se gargarise en entendant ou en lisant les propos relatifs aux frasques de leurs concitoyens algériens, comme par exemple, cet enfant de ministre qui aurait été interpellé en Suisse pour excès de vitesse, avec dans la boîte à gants quelque 24.000 euros (excusez du peu!). Cette annonce a fait l’effet d’un coup de massue sur une population déjà assommée par la spéculation et l’inflation qui sévissent comme chaque année pendant le mois sacré: cela est amplifié encore par les menaces qui pèsent sur une tripartite prévue depuis longtemps et censée faire remonter le Smig 24.000 euros!

Cela représente en fait (au taux de change parallèle) environ, 360 millions de centimes, c’est-à-dire le salaire de 360 Algériens qui ont la chance d’avoir un travail payé au tarif syndical, patronal et gouvernemental ou celui de 12 députés! Voilà de quoi révolter l’esprit le plus imperméable! Mais hélas, l’annonce de cette découverte au pays de Jean Ziegler a frustré encore plus nos concitoyens. En effet, les dépêches ne nomment pas l’heureux ministre, père de ce rejeton si prodigue. L’annonce, vague et floue, n’a fait que renforcer la frustration des gens indignés: la dépêche, omettant de cibler l’auteur des jours de ce garnement, a oublié de donner des précisions supplémentaires.

L’Algérie compte des dizaines de ministres de tous poids, acabits et gabarits, en exercice, en retraite, morts depuis longtemps ou vivant discrètement ici ou à l’étranger. Tous gardent éternellement leur titre et acceptent avec un plaisir non dissimulé qu’on continue à les appeler ainsi même s’ils ont changé de créneau. Aussi, ce n’est pas demain la veille que nous connaîtrons le nom de ce ministre et encore moins les circonstances qui lui ont permis d’amasser une fortune lui permettant d’offrir à son galopin de quoi passer quelques veillées de Ramadhan près de ce vieux lac Léman, refuge de tous les bénéficiaires de la clémence et de la générosité de la Providence.

On ne saura jamais si son père a fait fortune en aidant une fée déguisée en vieille femme aveugle à traverser la rue et qu’elle l’a récompensé en retour. On ne saura pas s’il a hérité de Crésus ou tout simplement du trésor du effélène bis, ou s’il s’est tout simplement enrichi grâce aux criquets pèlerins, aux médicaments périmés, à l’éthanol à base de dattes, au pétrole qui s’évapore, à l’argent blanchi... ou aux bateaux de pêche truqués.

Selim M’SILI

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