lundi 10 octobre 2011

Les ministres du futur


On vient d’apprendre, subitement, que l’Algérie sera le troisième pôle de biotechnologie du monde. Plusieurs ministres se sont retrouvés autour d’une conseillère d’ambassade américaine pour nous annoncer que le projet “Algérie Vision 2020” sera finalisé dans… trois mois et fera de l’Algérie un pays exportateur de médicaments.

Mais en attendant, la radiothérapie vient d’être suspendue et les concitoyens cancéreux ne peuvent bénéficier du protocole de soins minimum.

C’est remarquable comme nos dirigeants aiment parler des projets qu’ils comptent réaliser et peinent à regarder la situation qu’ils ont déjà créée, par leur incapacité ou par leur inaction. Ils étaient six ministres à Djenane El-Mithak pour se disputer le bénéfice politique d’une virtualité ; ils auraient été moins nombreux à venir s’expliquer sur une réalité. Souvenons-nous de nos anciens ministres du commerce et de l’agriculture se rejetant la responsabilité de la pénurie de pomme de terre et la soudaine ascension du prix du tubercule !
Une simple amorce d’ébauche de canevas de projet scientifique-industriel et tous les secteurs sont réhabilités ! Le ministre des Affaires étrangères y voit la réappropriation de son crédit par l’Algérie, le partenariat américain faisant foi : pour lui, “l’accord, c’est déjà une avancée en soi” ! Il aurait pu se suffire de la cérémonie.

Le ministre de la santé y lit “la fin du statut de consommateur-importateur” et le début de celui de “producteur-exportateur”. Le ministre de l’Industrie était là pour prendre sa part de la révolution biotechnologique qui devrait rayonner sur l’Afrique et le Moyen-Orient. Le ministre de l’Environnement entrevoit un Sidi-Abdallah qui, en plus du cyber-park où, paraît-il, fleurissent déjà des start-up, hébergera de la nanotechnolologie et de la robotique. Le ministre de l’Enseignement supérieur y trouve l’occasion de réhabiliter notre université retardataire en jumelant Harvard à Alger, c’est-à-dire la première université du monde à la… 7 849e (classement Ranking Web World Universities), croyant que ce sont les fréquentations qui font le statut. Le ministre du travail n’a pas voulu manquer l’occasion, même s’il n’a pas su formuler l’apport du projet à nos futures conditions sociales.

Il ne manquait que le ministre de la prospective qui, étrangement, ne serait donc pas concerné par cet effort de projection aux implications plurisectorielles. Il est vrai que la genèse de ce bébé éprouvette de la planification est accidentelle : il suffit d’un forum algéro-américain sur le médicament et d’une visite de Ould-Abbès à Boston et Washington pour que l’Algérie devienne, sur papier, une puissance pharmaceutique, une puissance aux retombées diplomatiques, scientifiques, financières, sociales, environnementales inestimables.
 
D’ici là, la voiture de Temmar et Benbada et les bateaux de Tou seront venus enrichir la boîte à merveilles qu’on ouvrira en 2020.

Mais pour l’instant qu’en est-il de la pénurie de médicaments, du retard de réalisation du métro d’Alger et de l’autoroute est-ouest, des emplois et des logements du programme quinquennal, des infrastructures d’El-Bayadh, de l’autosuffisance agricole, du parc d’El-Kala ? Qu’en est-il du plan “Algérie 2015” ?
Comme dans un tour de magie collectif, l’Algérie n’est belle qu’à l’horizon. Dommage que l’horizon recule à mesure qu’on s’en approche.

Par : Hammouche Mustapha

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