mercredi 12 octobre 2011

La grève, l'école et la vie

Le dos plié par le poids du cartable, le visage sommairement lavé et les yeux encore brouillés par un sommeil approximatif, ils sortent le matin pour revenir quelque temps après, pratiquement dans les mêmes dispositions physiques. Un aller-retour dans le temps dont la durée est seulement déterminée par la distance qui sépare la maison de l'école.

Depuis quatre jours, les élèves des écoles primaires prennent le chemin de l'école sans conviction pour revenir sans enthousiasme. «C'est la grève», disent les plus éveillés d'entre eux car ils savent que ça s'est décidé sans eux, peut-être bien contre eux. «Nous avons la grève», disent les plus petits, un peu comme on dit «nous avons cours» ou «nous avons histoire-géo».

Ils ne comprennent pas, alors ils font semblant d'avoir tout compris en se présentant comme partie active d'une action dont ils ne savent rien.

En sortant le matin de la maison, ils ne savent pas s'ils vont rentrer en classe ou revenir du portail. En revenant, ils ne savent pas s'il faut repartir le lendemain ou rester à la maison parce qu'ils «ont encore la gréve». En sonnant à la porte, ils ne savent pas si maman et papa vont être contents de les voir rentrer ou fulminer contre «l'irresponsabilité des enseignants et l'incurie des responsables qui prennent les enfants en otages».

En voyant ce matin son petit dernier revenir aussi vite qu'hier, cette femme s'en est tout de même un peu voulu de l'accueillir avec une mine renfrognée et beaucoup moins de tendresse que par le passé. C'est à croire qu'il y est vraiment pour quelque chose, le môme. Alors, lui revient à l'esprit ce couple d'enseignants du voisinage qui lui disaient avec beaucoup d'enthousiasme que leur quotidien s'est sensiblement amélioré.

Cet été, ils ont pris pour la première fois de vraies vacances et remboursé «par anticipation» une partie du crédit qui a servi à l'achat de la petite voiture et pensent déjà à prendre un appart plus grand avec une chambre supplémentaire pour la grande fille. Puis elle se rappelle un ministre plastronnant avoir réglé tous les problèmes avant que la voisine ne revienne de vacances pour lui dire que finalement rien n'est réglé,

que l'Atos sera payée par les petites mensualités convenues avec la banque et que la grande a encore des nuits à passer sur son lit superposé. Alors elle a pris son môme dans ses bras et l'a serré très fort : «J'espère que vous n'aurez pas grève demain» !

Slimane Laouari

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire