samedi 8 octobre 2011

Cet escroc est un homme

Invention de la presse ou des tribunaux, les faits divers ont ceci de paradoxal : tout le monde en raffole et tout le monde les dévalorise. «C'est un fait divers», entend-on dire certains quand ils tiennent à sous-estimer un «événement».

Le niveau zéro de l'importance. Les hommes politiques réduisent au rang de fait divers les événements que créent leurs adversaires. Les historiens situent quelques survenances à travers les siècles comme de «simples fait divers» par rapport au déroulement de l'Histoire. Pourtant, les «fats de la société» comme aimait à les appeler Bachir Rezzoug qui avait une sainte horreur de la formule «faits divers» ne sont pas toujours sans importance.

Bachir aimait à dire «faits de société» d'abord parce que l'appellation, qui a été certainement à l'origine sans connotation péjorative a souvent été employée pour diminuer l'importance des faits. Ensuite parce qu'ayant en idée une mission de la presse qui n'est ni celle de moralisateur de la société, ni celle de justicier, il tenait à introduire dans l'information ce que vivent les citoyens ordinaires au quotidien avec détachement et lucidité. En y apportant parfois les éclairages utiles.

Et parce qu'ils sont des faits de «société», ils en sont naturellement des indicateurs. Cette histoire, qu'elle soit réelle ou inventée, en est certainement la parfaite illustration : un jour, le directeur de publication d'un journal reçoit un monsieur qui avait demandé à être reçu avec tellement de ténacité qu'il a fini par réussir. Quand le monsieur est entré dans le bureau du directeur, il semblait déterminé et ferme, même si le ton était d'une extrême politesse.

Pour lui montrer qu'il ne tenait pas à lui faire perdre son «temps précieux», il dépose un bout de papier et une photo sur le bureau et dit à son interlocuteur : «M. le directeur, je vous prie de bien vouloir publier ça dans votre prochaine édition.» Quand le responsable prit le papier, il lut ceci : «Cet escroc est un homme». Quand à la photo, elle ne fait que confirmer le pressentiment qu'il avait eu quand le bonhomme avait franchi la porte de son bureau :

cette tête lui disait quelque chose. Intrigué mais toujours à cheval sur les «règles», il tente d'expliquer au bonhomme qu'il était impossible de publier son texte qui n'était ni une lettre de lecteur, ni une contribution, ni une publicité. Avant que l'homme ne l'arrête dans son élan pédagogique : «Pendant toutes les années où vous publiiez la même photo avec la mention «cet homme est un escroc», est-ce que vous vous êtes posé la question sur la nature du texte et sur la pertinence de sa publication ?

Slimane Laouari

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