samedi 8 octobre 2011

Angles d'attaque

«Les impressions, c'est le cancer de l'objectivité.» J.M. Wyl

Tout semblait si facile au début! Quoi de plus aisé que d'écrire un petit article sur une manifestation officielle concernant un art jugé mineur. Il n'y avait aucun problème politique qui viendrait perturber les élucubrations de l'auteur parce qu'un homme politique digne de ce nom ne s'était jamais exprimé sur les problèmes afférents à ce noble art pourtant marginalisé. Donc, l'auteur de ces lignes semblait à l'aise dans ses sandales quand il reçut la précieuse invitation. Et il était d'autant plus à l'aise sur le sujet qu'il avait à traiter, puisqu'il compatit parmi ses nombreux compagnons de route, des pionniers de la bande dessinée nationale.

Mais déjà, se posait pour lui le problème de l'objectivité puisqu'il avait connu les vicissitudes de beaucoup d'entre eux qui vivotent à présent comme dessinateurs de presse. Qu'à cela ne tienne! Il essaiera de mettre de côté ses rancoeurs et ses sympathies personnelles en se jurant de transmettre au lecteur les émotions ressenties lors de cette soirée d'inauguration. Mais voilà, il n'avait pas l'habitude des mondanités! Déjà, en se présentant devant l'entrée de ce camp de toile dressé sur l'esplanade de ce qui devait être le temple de la culture, il ressentit comme un malaise.


D'abord, il eut affaire à l'imposant service d'ordre qui défendait l'entrée du campement. Malgré le fait qu'il était arrivé au milieu d'un groupe d'amis, il fut le seul à être interpellé sur le motif de sa présence en ces lieux: était-ce dû à son manque de décontraction ou à sa tenue négligée. Il aurait dû mettre un costume trois-pièces comme ces nombreux bureaucrates qui peuplaient déjà la basse-cour ou s'affubler d'une casquette comme la majorité des bédéistes qui formaient des petits groupes très animés.

Il dut alors montrer et son invitation et sa carte de presse car les invitations ne valaient qu'à partir de seize heures. Lui qui était toujours l'exactitude même, il avait pris la précaution d'arriver un quart d'heure avant la date précisée. Cette première humiliation ne le découragea pas. Il ravala sa fierté et s'engagea, mal à l'aise sur ses fémurs, sur un terrain qui n'était pas le sien. Tout d'abord, il fut choqué par la forme des chapiteaux d'une blancheur immaculée: ils semblaient tout droit sortis des BD sur les Mongols.


Ces tentes asiatiques n'avaient rien à voir avec les kheimas de nos pasteurs des Hauts-Plateaux. Déjà, il réfléchissait à son entrée en matière pour présenter le lieu de l'action aux lecteurs qui n'avaient jamais mis les pieds à Alger. Le titre déjà lui posait problème. Devait-il l'intituler simplement «festival» parce qu'il y avait comme un air de fête qui se préparait, vu l'orchestre aux gandouras jaunes, qui chauffait ses instruments dans un coin ou alors «Bled Mickey» rappelant Disney, ou pour situer cette tache blanche dans l'océan de gris des taudis de Diar-El-Mahçoul ou alors pour insinuer que l'Oref a été réalisé par le régime Chadli à la place d'un complexe GNL?

Le grand stand qui devait servir d'espace de réception où étaient déjà disposées des tables, était pourvu d'un buffet assez fourni en jus de fruits et en boissons gazeuses.


Un personnel impeccable s'affairait déjà à préparer les rafraîchissements. Il visita brièvement des stands des diverses nationalités en compagnie de ses amis. Des groupes discutaient dans toutes les langues familières aux oreilles des habitués: français, anglais, italien, arabe et kabyle. Il releva cependant qu'à quelques minutes de l'inauguration, des travaux étaient toujours en cours sous l'immense chapiteau où étaient exposées les planches de certains artistes. Sa plus grande déception, il la ressentit en visitant le hall aux ventes: les prix affichés ne correspondaient pas à l'aumône consentie par la dernière tripartite aux salariés algériens.

Il fut cependant satisfait de revoir ses anciens collègues, Haroun, Slim, Aïder, Assari, compagnons de route d'El Manchar, et de faire la connaissance de Berber (un sosie de Maz!) et de sympathiques Marocains comme Bakhti, qui a toujours une anecdote drôle à raconter. Il regretta l'absence de Tenani, Bouslah ou Aram. Il eut une pensée émue pour ceux qui ne seront plus là: Melouah, Guerroui... Il ne savait pas s'il allait parler de la déception de certains en voyant arriver, non la ministre attendue, mais sa plus sympathique collaboratrice, Zahia Yahi, qui le gratifia en le reconnaissant d'un chaleureux «Camarade!». C'est un joli nom camarade!

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