samedi 8 octobre 2011

Partis : le verrou et les éternels supplétifs

Avant même que le projet de loi sur les partis ne soit débattu puis adopté par le Parlement, l’exécutif vient d’imposer un préalable d’airain tout à fait contraire à l’esprit des réformes que le chef de l’Etat prétend conduire. Aucun agrément ne sera donné aux nouveaux courants en vue des législatives de 2012. Ould Kablia en explique la raison par la dérisoire contrainte administrative. Un subterfuge grossier qui sent à mille lieues la volonté délibérée de ne rien changer dans le paysage politique tel qu’il a été dessiné et consolidé à partir de 1999.

Ce signal adressé à certaines candidatures en attente d’un sésame depuis plusieurs années est loin de n’être qu’une maladresse d’un ministre de devoir, c'est-à-dire de l’obéissance aveugle. Il indiquerait plutôt qu’il existe, en haut lieu, une religion idéologique bien établie qui veut qu’en tout état de cause la pluralité des opinions est par essence préjudiciable à l’ordre. Privilégiant un traitement homéopathique de la démocratie et des libertés qui la traduisent, Bouteflika ne peut évidemment plus se résoudre aux révisions sur le sujet. Sans doute, aucun, il n’a jamais porté en haute estime le multipartisme tel qu’il a été décliné au lendemain d’Octobre 1988.

Bien plus, il ne désire, surtout pas actuellement, l’émergence de pôles de contestations incontrôlées qui perturberaient son agenda futur. Celui qui, comme on le sait, sera marqué par un pseudo débat autour de la réforme constitutionnelle. Son souhait que le ministre de l’Intérieur a, par ailleurs, vite appliqué par le verrouillage, consiste justement à reconduire la même configuration du Parlement et, pourquoi pas, à maintenir la même «majorité» qui l’accompagne depuis 1999. Voilà donc un indice qui éclaire et illustre la démarche consistant à faire passer les lois organiques avant la Constituante.

Une inversion de l’ordre naturel qui ayant suscité peu d’inquiétudes dans l’opposition institutionnelle (celle qui siège au Parlement), celle-ci aura par conséquent de la peine à réfuter l’oukase de l’exclusion au moment du vote. Minoritaire dans une assemblée délégitimée, elle ne défendra le principe des libertés que d’une manière platonique.

Ainsi face au mandarinat (FLN-RND-MSP), qui tranche seul sur toutes les questions, les partis officiellement hostiles continueront à prendre acte des atteintes avant de passer à «autre chose». Et c’est cette image d’une opposition molle et moribonde qui contribue à la désaffection de l’électeur, voire à la démonétisation profonde de la politique dans la société.

Trop compromis par les calculs d’appareils et les privilèges d’une représentativité factice, les partis ont détruit peu à peu tout ce qui a commencé à se mettre en place il y a 20 ans de cela. Après la prodigieuse décennie (1989-1999) marquée par un engouement dans l’opinion, il semble que quelques révisions déchirantes apparaissent dans le sentiment général. Pour ne rien concéder à la naïve apologie d’une époque forcément pagailleuse, force est d’admettre qu’au final l’espace politique n’a gagné ni en qualité de leaders ni en urgence de pôles significatifs capables d’approfondir la culture de la démocratie.

Après les années de gestation (1990-1995) succédera le temps des restructurations par le sommet dont le but a été d’asservir les appareils au système demeuré, lui, intact. Un huis clos se mit alors en place à l’intérieur duquel l’étalonnage des partis consista en la négociation des quotas dans les assemblées et, parfois aussi, en la participation aux affaires publiques pour les plus audacieux.

Un théâtre d’ombres politiques s’organisait en échange de petites trahisons. Ces cinq ou six chapelles qui mobilisent tant l’encre des commentateurs, se sont-elles autrement comportées au-devant des appels et des tentations ? Eternels leviers de manœuvre dans les situations de stratégie électorale, ils firent preuve de docilité. Pas plus que le FLN, le RND ou le MSP ceux qui partagent au rabais les sièges des assemblées ne peuvent prétendre détenir un quota de maroquins par la seule vertu des urnes.

Les consultations étant ce qu’elles furent toujours, un électeur ne croit pas que les «surfaces » politiques sont le reflet réel de son bulletin dans l’isoloir. Le constat est amer car les partis en sont désormais perçus comme de saisonnières échelles au service d’ambitions personnelles et simultanément de procuration à blanc pour les pouvoirs en place. Il est vrai que bon nombre d’entre ces appareils ont été créés sur la base d’un malentendu historique afin de récupérer le vaste mouvement social parti en octobre 1988.

Depuis, ils apprirent à survivre et notamment à servir un Etat de non-droit qu’ils soutiennent en échange de sordides promotions. Or, maintenant ils découvrent l’impasse dans laquelle ils se sont fourvoyés après s’être aliéné la sympathie des classes sociales au nom desquelles ils prétendaient s’exprimer. Appelés, une fois de plus, à siéger seuls dans le futur Parlement, ils se verront obligés d’endosser des réformes taillées sur mesure par le régime alors que le pays part par petits morceaux. En clair, ils joueront les prolongations aux côtés du pouvoir mais en qualité de supplétifs. Honteux cette fois-ci.

Par Boubakeur Hamidechi

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