lundi 31 août 2009

Secret-défense

La justice française n’entend pas, selon toute vraisemblance, lâcher le morceau dans l’affaire de l’assassinat des moines de Tibhirine exhumée 13 ans après, à la suite du témoignage de l’ancien attaché militaire à l’ambassade de France à Alger, le général François Buchwalter, mettant en cause explicitement l’armée algérienne. Selon des indiscrétions de la presse française, le juge d’instruction français en charge de ce dossier vient de saisir les ministères de souveraineté français (Affaires étrangères, Défense et Intérieur), leur demandant de lever le secret-défense lié à cette affaire.

Compte tenu des remous suscités par ce dossier au sein de la classe politique française et de sa surmédiatisation au sein de l’Hexagone, il apparaissait clairement que cette affaire n’allait pas s’arrêter aux commentaires et insinuations des médias, à un débat franco-français. Interpellé par ce débat, le président français, Nicolas Sarkozy, avait pris des engagements solennels devant l’opinion française pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire, évoquant pour la première fois publiquement la possibilité de la levée du secret-défense et égratignant au passage l’Algérie par des déclarations aux accents franchement sentencieux.

Le cheminement suivi par ce dossier, passant d’un débat polémique politico-médiatique à une affaire d’Etat, ne laissait planer aucun doute quant à la levée rapide en France du secret-défense lié à cette affaire, au risque de voir le président Sarkozy éclaboussé politiquement par le traitement de ce dossier.

Il faudra s’attendre, dans les jours et semaines à venir, à une accélération des événements. Le juge d’instruction français a déjà établi une première feuille de route, à en croire les révélations de la presse française. Des personnalités françaises, d’anciens militaires algériens déserteurs, réfugiés à l’étranger et ayant des accointances avec le parti dissous, figurent sur la liste des témoins auxquels s’intéresse le juge Marc Trevidic.

Au-delà des investigations qui seront menées en France et dans certains pays européens où résident les témoins algériens que le juge français voudrait auditionner, il reste à savoir si le magistrat français s’est imposé des lignes rouges à ne pas franchir.

La mise en place d’une commission rogatoire, inscrite dans l’ordre naturel de la procédure judiciaire et qui aura pour mandat d’enquêter en Algérie, est-elle politiquement réaliste et réalisable compte tenu du caractère sensible des relations algéro-françaises et des bonnes relations existant entre le président Sarkozy et Bouteflika ?

Si une telle demande venait à être formulée, quelle sera la réaction de l’Algérie ? Une chose est certaine : cette affaire réunit tous les ingrédients d’une crise politique annoncée entre Alger et Paris avec toutes les conséquences que cela impliquerait sur les relations bilatérales.

Par Omar Berbiche

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