lundi 31 août 2009

Le serpent de mer

Mon ami Sid-Ahmed est comme la majorité de ces concitoyens, ou plutôt il suit le comportement de la plupart des gens: pendant toute l’année, il est actif, il est ici et là, contactant ses nombreux amis, les stimulant en leur communiquant son dynamisme, sa bonne humeur ou son scepticisme. Il lit pratiquement tous les journaux lisibles et se met au parfum de toutes les nouvelles parutions des éditions nationales.

Il est insatiable! Il est au courant de tout et il a dans son répertoire de nombreuses anecdotes croustillantes concernant tous les sycophantes qui peuplent la scène du Tout-Alger. Mais pendant le Ramadhan, il joue les sous-marins: on ne le voit plus, on ne l’entend plus. Il ne faut pas croire qu’il a disparu, qu’il est parti passer le Ramadhan chez des amis au Maroc ou en Europe, histoire de fuir la morosité des jours de jeûne.

Lui qui a roulé sa bosse sur les quatre continents (il ne lui manque que le pays des kangourous à visiter) devient casanier pendant le mois où les marchés aux fruits et légumes sont pris d’assaut par une faune qui se plaint de la cherté de la vie en remplissant des couffins qui empliront plus tard des dépôts d’ordures déjà surchargés. Bien que fin gourmet à l’occasion (lui, il emploie l’expression de bec fin), il relègue la gastronomie au second plan ne se contentant, quand il veut se faire plaisir ou quand il veut faire plaisir à un ami, d’un plat de sardines grillées arrosé comme il se doit, mais comme pendant le mois sacré, il subit un régime sans sardine, la moindre allusion à ce produit stratégique vendu il y a quelque temps à 300 DA le kg, le fait sursauter.


Ainsi, dès qu’il a lu un article paru dans la presse nationale relatant les déboires des pêcheurs algériens avec les armateurs turcs, il a sauté sur l’occasion pour me téléphoner et me taquiner amicalement sur un sujet que j’avais évoqué il y a deux années dans une de mes chroniques. Et comme un serpent de mer, cette affaire ressurgit avec en plus un tas d’informations relatant tous les micmacs qui peuvent se passer entre pêcheurs dans les eaux troubles de la pêche hauturière.


J’avais mis mon ami au courant de l’effet qu’avait produit ma chronique sur des personnes qui n’ont pas hésité à me téléphoner et à me rassurer qu’il n’y avait pas de lobby turc en Algérie, que la Turquie est un pays de droit et que tous les plaignants peuvent...


Et patati et patata. Mon ami Sid-Ahmed ne pouvait cacher comme à l’accoutumée son scepticisme: «Voilà un pays qui se prétend être le dixième constructeur naval du monde et qui fait non seulement des bateaux qui tombent souvent en panne mais qui ne respecte pas les contrats passés (en ce qui concerne les prix fermes et non révisables). Il y a quelque chose de louche là-dessous! Il doit y avoir des Algériens et des Turcs qui doivent s’en mettre plein la louche! Je me demande pourquoi il n’y a pas eu une enquête approfondie, genre Canard enchaîné sur ces affaires qui doivent avoir des ramifications qui vont loin. Et surtout pourquoi l’Etat algérien, par les ministères impliqués (Finances et Pêche) et les services consulaires ne prennent pas en charge ce contentieux.

Ce qui m’étonne encore plus, c’est le choix de la Turquie comme fournisseur. Si j’avais le choix, moi j’aurais pensé tout de suite au Japon qui fait des pêches miraculeuses en tous temps et en tous lieux.

C’est une idée à creuser! Saha F’tourek!» Il raccrocha me laissant seul en face d’une salade assaisonnée de thon, pêché quelque part en Méditerranée.

Selim M’SILI

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