lundi 2 novembre 2009

Sous le chapiteau

Dans une récente discussion avec Sid Ahmed Agoumi, il nous disait avec son punch et sa sincérité habituels à quel point il était froissé à chaque fois qu'il entendait associer «la foire» et «le livre», tellement dans sa tête un peu trop à cheval sur le sens des mots, les deux termes n'avaient rien à faire ensemble.

Pour ce monstre des planches et de l'écran, le propos tend plus à sacraliser le livre qu'à exprimer un quelconque mépris à l'endroit des vieilles et gaies manifestations foraines ou de leur version moderne qui en fait des carrefours économiques certainement utiles.

Mais la foire peut signifier «fourre-tout» et désinvolture dont le livre, premier véhicule du savoir, ne peut s'accommoder.

Le mot «salon» est à peine un peu plus enthousiasmant pour notre artiste, mais le propos est ailleurs. A quoi sert donc un salon du livre, puisque c'est de cela qu'il s'agit ? Les réponses sont tellement éloignées, y compris dans ce qu'elles ont de plus simple, en l'occurrence dans ce qui peut le plus naturellement les rapprocher.

Les appréciations peuvent donc aller du plus désespérant scepticisme à la plus euphorique des extases. Apprécions le résultat de ce micro baladeur de la radio Chaîne III.

Une dame essoufflée par sa randonnée et visiblement aussi par son bonheur de quelqu'un qui tombe sur un trésor providentiel va directement à l'essentiel : «C'est vraiment formidable. Autant de livres avec des prix si accessibles ! Un rêve.»

Et puis cet étudiant : «C'est beau à voir, toutes ces publications, ces gens intéressants à rencontrer et ces conférences. Malheureusement, je n'ai rien pu acheter, parce que les prix sont inabordables !»

Si ça ne servait donc qu'à pouvoir ou ne pas pouvoir acheter des livres, le salon nous donnerait des appréciations si différentes qu'on renoncerait, par découragement, à le considérer sous cet angle. Mais il y a le reste, même s'il ne rapproche pas davantage les points de vue.

Ceux qui considèrent qu'autant d'argent dépensé dans une manifestation sans réel impact sur la politique du livre, des auteurs qui se sentent exclus d'un espace de promotion et d'expression privilégié, les pour, les contre, ceux qui ne sont ni pour «ni contre mais bien au contraire», les aigris et les introduits.

Ca ne fait pas vraiment foire et pas tout à fait salon. Mais il y a des livres et des conférences, des dédicaces et des hommages. Au fait, les Algériens lisent-ils finalement, ou non ? ça dépend du lieu où on recueille la réponse. Dans la rue ou sous le chapiteau.

Slimane Laouari

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