lundi 16 novembre 2009

Hagrouna !

Devant les soldats marocains qui franchirent belliqueusement en 1963 la frontière algérienne, Ben Bella, le premier président de la République, eut ce cri chargé d’une forte intensité patriotique : hagrouna ! (On nous a agressés). Il n’en fallut pas plus aux Algériens qui venaient à peine de sortir de la nuit coloniale pour se rendre, par milliers, aux frontières défendre, mains nues, leur sol convoité.

Aujourd’hui, une hogra d’un autre type est venue d’un pays présenté comme ami depuis toujours par l’idéologie baâssiste, l’Egypte, où un odieux guet-apens a été tendu à l’équipe algérienne de football. Manigancé en haut lieu, au Caire, le plan machiavélique visait à fragiliser et faire perdre le match aux joueurs algériens, et c’est ce qui arriva. Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, les Egyptiens s’en prirent aux supporters algériens, à la sortie du stade, faisant des blessés graves.

Un véritable massacre au vu et au su des autorités officielles qui renièrent l’engagement pris devant la FIFA d’assurer la sécurité de la compétition – cette même FIFA qui n’a pas assumé toutes ses responsabilités –, ce fut fait avec la complicité des énormes et redoutables médias égyptiens.

Le pouvoir du Caire ne recula pas devant le sang versé pour assouvir un dessein politique : détourner l’attention de sa population des hallucinants problèmes qu’elle rencontre en matière d’emploi, de niveau de vie, de logements, etc.

Hier, le président de la République a bien réagi en mettant à disposition des supporters les moyens d’aller à Khartoum soutenir leur équipe. Mais force est de constater que devant cette douloureuse épreuve, la riposte des autorités algériennes n’a pas été du niveau des attentes.

Au moment de l’agression du bus de l’équipe nationale, le discours sur « la fraternité arabe », dans le pur style langue de bois du parti unique, a été mis en avant par certains responsables. La réelle fraternité ne peut venir que de gens du même drapeau. En parlant « d’acte isolé » à la suite de l’attaque des joueurs, un ministre emboîta le pas à son ex-confrère d’il y a vingt ans qui compara la révolte d’Octobre 1988 à un « chahut de gamins ».

Et puis il y eut ce monumental ratage de l’ENTV qui, une nouvelle fois, a failli à son devoir d’informer en ne diffusant que bien après les images des footballeurs blessés, une fois achevé le discours du chef de l’Etat tenu à l’université de Sétif. Cette épreuve a révélé le vrai visage du pouvoir égyptien qui a tendance à mépriser tous les autres pays arabes, mais qui se fait fort de s’incliner avec la plus vile obséquiosité devant Israël.

Elle a mis à nu en Algérie la frilosité de ses hommes politiques, bloqués par un certain complexe d’infériorité vis-à-vis de l’Egypte et surtout tétanisés par le discours panarabiste en vogue depuis des décennies. Cette épreuve a enfin révélé, une nouvelle fois, tous les dangers que comporte le sous-développement médiatique algérien, notamment au niveau de l’audiovisuel maintenu sous forte dépendance politique.

Il faudra s’en occuper un jour, une fois revenu le calme, car le pouvoir algérien ne peut pas toujours se dérober aux débats fondamentaux. Du sang algérien a coulé et puis n’importe quel autre pays pourrait être tenté de suivre l’exemple égyptien pour humilier ou agresser l’Algérie, mettant à profit les faiblesses du pouvoir politique et le désarroi de la société.

Par Ali Bahmane

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire