dimanche 15 novembre 2009

Enseignements de l’embuscade du Caire

Au-delà du résultat sportif – si l’on peut encore ainsi qualifier une confrontation algéro-égyptienne –, cette occasion aura été instructive autant sur les sociétés que sur ce qui leur tient lieu d’États.

Nos “frères arabes” de la vallée du Nil auraient aimé nous couper hachés menu, pour réduire à néant cet illégitime adversaire qui voulait lui barrer la route du tournoi final de la Coupe du monde de football. Nous aurions bien aimé en faire autant. On pourra dire ensuite que les “débordements” auront été le fait d’incorrigibles hooligans locaux.

Nul doute que les autorités égyptiennes ont contribué à la conception et à la mise en œuvre de l’embuscade contre le car de l’équipe d’Algérie. Le comportement du conducteur et les réactions, apparemment préparées, des officiels en attestent. Le recours national aux moyens extra-sportifs pour tenter d’arracher une victoire à l’adversaire constitue le signe d’un déficit “civilisationnel” qui rend paradoxale la participation de telles nations à des compétitions universelles justement dotées de règles de jeu pour en éloigner les résidus de comportement “précivilisationnel”.

Il semble que ce n’est pas parce qu’on a dix mille ans d’histoire qu’on ne peut traîner, en 2009 encore, dans un État pré-moderne. La régression, c’est fait pour cela. L’Égypte constitue un laboratoire de production des modes d’entrave à la citoyenneté, l’enjeu étant de tuteurer le potentiel citoyen en chaque habitant pour en faire un élément de la foule, cohorte manipulable et dirigeable à souhait.

L’autocrate qui cible l’ennemi et pousse “le peuple” électrifié au crime ; quand il est en position de force, c’est l’opposant, intégriste en général, qui désigne l’ennemi de la foi ou de la “oumma” aux troupes de “fidèles” qu’il aura préalablement chargées à bloc. Le tout est que l’ennemi soit toujours ailleurs et le “peuple” face au péril et le dos tourné à celui qui le manipule. Quitte à l’inventer, cet ennemi, quitte à le trouver parmi ses “frères” d’hier soir.

Et cette culture qui a tant contribué à nous acculturer, depuis des décennies qu’elle nous sert de modèle, depuis des décennies qu’on nous injecte, de force, ses instituteurs, ses imams, ses stars, ses “mouselsels”... jusqu’à la singerie du dialecte.

Jusqu’à ce que les Égyptiens découvrent, au détour d’un enjeu de prestige, que nous ne sommes pas “arabes”. À juste titre, au demeurant. Notre arabité ne les intéressait donc que dans la mesure où elle leur permettait de partager une des rares victoires politiques du monde dit arabe à l’époque moderne : la décolonisation de l’Algérie.

Mais le tuteur n’a pas supporté la contestation de sa tutelle. Nos dirigeants l’éprouvèrent quand il fut, récemment, question de l’ordre égyptien en matière de “Ligue arabe”. Ce paternalisme – maternalisme en l’occurrence puisqu’il s’agit d’Oum Dounia – n’est pas contestable y compris sur le terrain sportif.

Il y a une responsabilité politique dans le langage de notre “fraternité”, et il y a une responsabilité politique en ce que notre allégeance arabiste a rendu possible le désir d’autorité de nos “grands frères”.

À voir comment à travers la Fifa, il a réagi à l’inacceptable, en nous “gérant” et non en appliquant la réglementation, on dirait que le monde préfère assumer cette immaturité comportementale au lieu de nous traiter en membre à part entière de la communauté sportive.

Par : Mustapha Hammouche

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