jeudi 5 novembre 2009

Argent et politique, une vieille histoire d’amour

“L’argent pourrit la politique.” C’est Belkhadem qui vient d’en faire la découverte et la révélation.

Le chef de l’ex-parti unique se plaint du fait que les places de sénateurs se vendent.
Où est le problème, pourrait-on se demander, si les sièges du Conseil de la nation se vendent, dans un pays rentier où tout se vend : les diplômes, les papiers d’état civil, les logements sociaux, les postes d’emploi… ?

Dans ce rapport contre nature, soyons clairs, ce n’est peut-être pas l’argent qui a commencé. L’histoire politico-financière de notre pays atteste plutôt de l’œuvre corruptrice de la politique.

Rappelons-nous : sans remonter au mystère du trésor du FLN, et bien avant que notre économie ne redécouvre le marché, le socialisme “spécifique”, ne pouvant souffrir le capitalisme exploiteur des travailleurs, nous imposait un système rentier exploiteur autoritaire des ressources nationales. La responsabilité, c’est le pouvoir de prélever sur le patrimoine national un appartement par-ci, un terrain par-là, un véhicule par là-bas. Une classe de familles privilégiées se formait et s’amplifiait au fil du temps pour prospérer, chacune en fonction de son niveau d’autorité, à l’ombre d’un socialisme qui enfermait les travailleurs et les cadres dans le carcan de la GSE et le monde rural dans l’illusion de la révolution agraire. Ce processus de formation de fortunes politiques fut même formellement légitimé par cette formule présidentielle, authentique ou pas, mais restée significativement célèbre : “Celui qui travaille dans le miel suce son doigt.”

L’article 120 servait de déclaration d’allégeance et de droit d’entrée dans un système prometteur pour ses adeptes. Le refus d’intégration au parti unique équivalait à l’exclusion. Faire dépendre toute ambition sociale du rapport au pouvoir : telle est la recette par laquelle la politique soumettait la société. Et qui hypothéquera l’évolution démocratique de notre pays tant que le pétrole peut encore financer le mépris national du travail et du mérite. L’essayer, c’est l’adopter ! Malgré l’avènement du multipartisme, la recette fait encore… fortune : il suffisait d’assujettir les partis et la société civile à un supra-pouvoir et d’en faire de simples voies d’obédience. Plusieurs articles 120 au lieu d’un.

Pourquoi, en effet, l’argent viendrait à la politique s’il n’y avait pas la bureaucratie, le passe-droit, la corruption et le trafic d’influence pour l’y obliger ? Et pourquoi la politique irait à l’argent si elle était contenue à son rôle par un État de droit ? Voyez-vous un riche homme d’affaires venir soudoyer un responsable si le fisc, la justice et toutes les institutions auxquelles il a affaire échappaient à tout usage politique ? Voyez-vous un cupide arriviste s’engager en politique si celle-ci n’était permissive aux manigances mafieuses ?

Cette histoire d’OPA sur les sièges parlementaires, c’est simplement la boucle qui est bouclée. Le cycle infernal est entretenu par le couple infernal : on veut faire de la politique parce qu’avec la politique on peut faire de l’argent. Et, inversement, avec de l’argent on peut faire de la politique. On voit bien qui des deux pourrit l’autre.

Par : Mustapha Hammouche

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