jeudi 8 octobre 2009

Un goût d’inachevé...

Il y a des printemps dont les fleurs tiennent leurs promesses, même tardivement: c’est le cas du printemps de Prague ou du Printemps berbère. Il y en a qui capotent ou avortent, et les rêves printaniers se transforment vite en cauchemar. C’est sans doute pour cela que l’espérance née au lendemain du 5 Octobre n’est pas célébrée. Chacun va de ce petit orage qui a donné une pluie noire et sèche: chahut de gamins, explosion de colère, sombre machination née dans un obscur cabinet noir.

Et les images de ces jours tumultueux sont rares. A cause des multiples censures superposées. Ce sont toutes ces raisons qui obscurcissent le souvenir et mutilent la mémoire. Au bout du compte, la majorité des gens pense que ce qui a provoqué cet incendie, les causes profondes sont toujours là: chômage, blocage et verrouillage de la vie politique, manque de perspectives, corruption. Encore qu’à l’époque, les jeunes n’étaient pas réduits à s’embarquer sur des radeaux de fortune pour franchir des murs invisibles...

C’est le seul critère indiscutable de la réussite ou de la faillite d’un système. Il faut se rendre dans l’Algérie profonde, dans une de ces petites bourgades situées au milieu de nulle part, à égale distance entre l’Atlas tellien et l’Atlas saharien, pour se rendre compte du marasme vécu par une jeunesse. Un noyau de ville aux maisons basses, séquelle d’un passé colonial noyé au milieu d’immondes cités, véritables cubes de béton posés hâtivement par des mains pressées de passer à d’autres marchés. Dans un patelin où une eau rare est chichement distribuée deux jours sur trois, un monument prétentieux semble tourner la réalité en dérision: une jarre montée sur un socle en pierre déverse une eau imaginaire dans une vasque en forme d’étoile irrégulière où une eau putride, pleine d’immondices, dégage une odeur pestilentielle.

Tout cela au beau milieu d’une place entourée de cafés où une jeunesse oisive vient tuer le temps et regarder le temps qui ne passe pas.

Une mosquée aux minarets prétentieux, en forme de turbans turcs domine une place de marché où, là aussi, toutes sortes de produits made in Asia sont exposés à même le sol, attirant une foule hétéroclite de tous âges. Là aussi, un goût d’inachevé: les ordures jonchent la terre battue et jurent avec la netteté d’un édifice officiel qui ne porte pas de raison sociale à son fronton.

Plus loin, une grande esplanade au milieu d’un large trottoir fraîchement rénové avec de prétentieux lampadaires et des bancs en fer forgé qui font face à une cité cerclée de dépôts d’ordures. Des jeunes oisifs se postent à une heure fixe, là, en face de nulle part, attendant le passage de lycéennes effrontées qui rentrent nonchalamment chez elles, toutes voiles dehors avec un sourire en coin...

Heureusement que le portable existe: c’est le trait d’union entre ceux qui ne peuvent pas se rencontrer. A côté, pas de cinémas, aucun théâtre; que des cafés et des maisons aux fenêtres borgnes: elles sont en construction depuis des années. Un magasin ouvert au rez-de-chaussée servira à l’heureux propriétaire à continuer la suite. Un goût d’inachevé!


Selim M’SILI

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