jeudi 8 octobre 2009

L'exception qui ne fait pas la règle

Nicolas Sarkozy est un Président pressé et il vient de le prouver encore une fois lors de son voyage éclair au Kazakhstan. En un tour de main, le patron de l'Elysée a signé des contrats civils et militaires pour un montant de six milliards.

Une manne providentielle en ces temps de crise, en attendant que le Brésil passe officiellement commande pour l'achat de trente-six Rafales.

Rentré à Paris avec ce joli pactole, le Président de tous les Français (ceux d'en bas comme ceux d'en haut) se devait-il également de rendre des comptes aux ONG qui lui ont demandé de faire la morale à son homologue kazakh sur la question du respect des droits de l'homme ?

Elles n'auront pas eu le temps de penser si l'ancien maire de Neuilly compte parmi ceux qui tournent vite casaque, il a réponse à tout.

Il faut dire que quand on a eu le courage de se prononcer contre l'indépendance du Tibet, on se sent capable d'affronter n'importe qui. Même les plus virulentes des organisations non gouvernementales. Ce qu'elles doivent absolument savoir, le locataire du 55, rue du Faubourg Saint-Honoré n'est pas parti en messie prêcher le bien-fondé de la démocratie occidentale au sommet des plaines kazakhes.

Moins encore en «donneur de leçons», même s'il a eu à aborder la question épineuse des droits de l'homme avec son hôte. Car, a-t-il fini par admettre, la meilleure façon de «convertir» Noursoultan Nazarbaïev à la démocratie n'est pas celle qui consiste à lui imposer le modèle occidental qui est en train de montrer ses limites jour après jour.

Cher à son chef de la diplomatie, qui vient de recevoir une mise au point des plus sèches de la part du régime militaire de Conakry, l'interventionnisme au nom des droits de l'homme ou pour raisons humanitaires n'est plus la bonne démarche à suivre.

Ce que W. Bush n'a pas compris, la démocratisation étant un processus de longue haleine qui n'obéit pas aux seuls coups de baguette magique.

Cela concerne tous les pays qui veulent «s'approcher doucement du monde civilisé» ou uniquement le Kazakhstan où Nicolas Sarkozy a rendu heureux plus d'un patron français ? Parce qu'il vient tout juste de le visiter qu'il préfère se concentrer sur ce qui représenterait l'exception de l'heure. Pas question pour lui de paraître comme indu-intervenant dans les affaires internes du Kazakhstan.

Qui dit la France dit l'Occident, et tous deux attendent énormément des autorités politiques de cette vieille République soviétique. Aussi bien pour gagner la guerre en Afghanistan, résoudre la crise avec l'Iran (de quelle manière ?) et renouer amitié avec la Russie qui a fait savoir sa disponibilité à coopérer de nouveau avec l'Otan.

Pourvu que le Kazakhstan n'ait pas à basculer un jour dans le giron occidental, les expériences ukrainienne et géorgienne ont été des épreuves des plus insoutenables aux yeux de Moscou. D'ailleurs, ceux qui gouvernent là-bas ont rappelé au passage, à tout bon ou mauvais entendeur, que la seule issue à la crise politique au Soudan ne peut être que pacifique.

Par cette déclaration solennelle et au moment où Bernard Kouchner et Hillary Clinton «tirent» sur la junte militaire guinéenne, le Kremlin voudrait-il épargner son allié soudanais avant même la présidentielle à laquelle Omar El Bachir se présente en candidat à sa propre succession ?

Une partie infime du montant de la facture que l'Occident devra payer s'il veut voir la Russie entièrement engagée dans la lutte contre les extrémismes de tous bords.

Résultats de cette entente en plein renouveau : l'interventionnisme, sinon le néo-colonialisme, est intolérable quand ses «penseurs» le pratiquent sur des terrains de chasse traditionnels ou récemment conquis par leurs rivaux. Ne serait-ce que par la simple évocation des questions gênantes comme celle des droits de l'homme. Les ONG n'ont pas à en vouloir à Nicolas Sarkozy juste parce qu'il a pris la peine d'apprendre sa leçon.

Anis Djaad

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