mardi 16 février 2010

Après le pétrole, le néant

À Oran, le ministre de l’Énergie a réinventé l’artifice de Boumediene, celui des institutions qui survivent aux hommes et aux évènements : “Les cadres partent mais les institutions restent, d’autres hommes et d’autres cadres sont là pour prendre la relève et continuent à travailler !”

Le scandale de Sonatrach, dont nous ignorons, pour l’heure, l’ampleur réelle, ne devrait susciter aucune inquiétude. Mais, surtout, aucun blâme à l’endroit des responsables du secteur énergétique.

“L’État perçoit des redevances et des rentrées financières importantes grâce à nous.” Sans plus de précision sur ce “nous” nourricier, Khelil insinue-t-il que le pays lui doit, à ce “nous”, sa relative santé financière ? Et que ce qui compte, c’est que “nous” est toujours là pour que l’Algérie puisse “percevoir des redevances et des rentrées financières importantes”. Les institutions – pérennes –, c’est donc “nous” !

Presque au même moment, un expert nous expliquait que l’Algérie était plongée dans une surconsommation frénétique de ses ressources en hydrocarbures. “Sonatrach épuise rapidement les réserves pétrolières du pays”, constate Mourad Prieure, directeur de son propre cabinet de Strategy Consulting.

On s’en doutait un peu, rien qu’à observer la communication de Sonatrach : il n’y en a que pour les périmètres “concédés pour la recherche et l’exploitation” et les découvertes de “nouveaux gisements”. Cette frénésie de l’exploration, de la perforation et du siphonage systématique du sous-sol national semble tourner au vampirisme minier sans que cela ne se traduise dans quelque mouvement de développement économique ou social de l’Algérie.

La recherche et le bradage du moindre filon minier sont devenus une raison d’État, ne laissant “nulle place où la main ne passe et repasse”. Le Hoggar s’est révélé prometteur en métaux précieux et son labourage a commencé ; il y a deux ou trois ans, le littoral était balayé par les spectromètres d’un bateau-laboratoire à la recherche d’éventuels gisements off shore… Comme pour rassurer sur la pérennité de la manne, le ministre confiait, dernièrement, que le nord du pays recelait ses gisements. Bientôt, on sondera le Jardin d’Essais.

À peine un projet de métro qui, depuis un quart de siècle, avance à une vitesse de limace, un autre d’autoroute qui se réalise en ligne discontinue et d’autres chantiers alibis avec presque chacun son lot de malversations par lesquelles s’échappe la rente pétrolière.

Les scandales financiers accompagnent le pompage soutenu des ressources souterraines, un peu comme si la prévarication constituait le premier effet de cette frénétique exploitation du sous-sol national.

Il y a donc de fortes chances qu’après le départ des hommes, les institutions restent, mais pas les ressources ! Il n’y aura alors pas beaucoup d’hommes pour remplacer les hommes, dans une Algérie sans pétrole, sans rente, sans “fonds spécial” pour “motiver” les cadres, et surtout sans développement.

Quand on aura vendu tout le pétrole et bu toute l’eau de la nappe phréatique, on aura réussi à créer un désert sous le désert ! Et avec un peu de malchance sous la mer et sous la plaine. La rente, c’est le contre-développement. Et le pays de l’après-pétrole que nous prépare le système rentier ressemblera à l’univers de Mad Max. Un désert pollué et parsemé de puits et de derricks désaffectés.

Par : Mustapha Hammouche

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