dimanche 1 novembre 2009

Les figues de Barbarie ou le complexe durable de culpabilité

Du smen et du miel ». Le propos est de Khalida Toumi sur le dernier roman de Rachid Boudjedra, Les figues de Barbarie, présenté vendredi au Salon international du livre d’Alger (SILA), qui se tient jusqu’au 6 novembre à l’esplanade du complexe sportif du 5 Juillet. La ministre de la Culture est tellement émerveillée par le texte de l’écrivain algérien qu’elle en a lu des extraits, expliqué parfois le sens et couvert de gentils mots l’auteur de Fascination.

Khalida Toumi, qui s’est dit non spécialiste de littérature, a eu le privilège de lire le manuscrit en deux nuits. Les figues de Barbarie paraîtra en mars 2010 en France, édité par Grasset. Pour l’Algérie, les éditions Barzakh sont pressenties pour publier le roman. Les négociations sont en bonne voie. L’histoire se passe en quarante minutes dans l’avion qui relie Alger à Constantine sur dix chapitres. Monologues et dialogue se relayent. Omar rencontre son cousin, le narrateur, et ils discutent d’un passé lourd. « Omar est, à lui seul, tout un programme. Omar est en fait toute l’Algérie. C’est le cousin qui est à la fois grand architecte, intellectuel et ancien combattant. Il a pris le maquis en 1958 un an avant le narrateur. La vie de Omar n’est pas tout blanc tout noir. C’est aussi compliqué que votre vie ou que la mienne », a expliqué Khalida Toumi. Si Mustapha, homme riche de Batna, initie Omar et son cousin au nationalisme. Mais, il y a aussi Salim, « jeune frère insouciant », qui a de la sympathie pour l’OAS. « Je reviens sur le complexe de culpabilité qu’ont certains Algériens soit de n’avoir pas fait la guerre, soit de l’avoir faite du côté des Français, soit de s’être cachés. L’histoire est vraie, celle d’un cousin du côté maternel qui est parti au maquis. Mon père m’a empêché de le rejoindre parce qu’il voulait que j’obtienne mon bac », a relevé Rachid Boudjedra qui dit avoir vécu au maquis « des choses absolument effrayantes, honteuses ».

Selon Khalida Toumi, le roman de Rachid Boudjedra montre que la Révolution algérienne était plus grande que les clans, que les régions et que les nationalités. « Rachid Boudjedra nous explique aussi que le but du roman n’est pas d’enregistrer comme dans un documentaire ce qu’il y a, mais de reconstruire ce qu’il y a en le dépassant et en le transcendant. On comprend mieux », a-t-elle soutenu. « Il ne s’agit pas de raconter des histoires, tout le monde peut le faire. Dans les bars et les cafés maures, il y a des histoires magnifiques. La question est comment les raconter ? Tout est là », a enchaîné l’auteur de La Pluie. La répétition pour lui n’est pas un chant funèbre mais de l’art. Mieux : il la revendique. « Mes personnages, mes objets et mes animaux sont dans tous les romans. Je reprends les mêmes fantasmes.Je dis aux jeunes : le fantasme est fondamental. Il ne faut jamais avoir honte de son fantasme, sinon on devient émasculé », a-t-il soutenu.

Il a cité l’exemple du peintre espagnol Picasso, du cinéaste suédois Ingmar Bergman et de l’écrivain colombien Gabriel García Márquez qui se répétaient dans leurs travaux. Se disant khaldounien dans sa démarche, le romancier a affirmé qu’il était fasciné par la relation entre la grande histoire et la petite histoire intime. « C’est l’Algérie qui est complexe, ce n’est pas moi. Dans la mesure où l’histoire algérienne est terrible. Et elle continue à l’être », a-t-il dit. Khalida Toumi a évoqué, en lisant des extraits du roman avant d’être relayée par l’acteur Sid Ahmed Agoumi, les tortures d’Octobre 1988. Le personnage de Ali, émasculé après les émeutes de cette année-là, symbolique fut la torture dans un pays où les comportements dégradants dans les centres de détention n’ont jamais cessé depuis. L’auteur de La Vie à l’endroit a estimé qu’il voulait rendre hommage aux jeunes d’octobre vingt ans après. Et, il a rappelé qu’il est revenu, dans son roman Démantèlement, sur la guerre de Libération nationale et sur le traitement réservé aux communistes algériens, 25 ans après l’indépendance.

« Il y a un éclairage toujours différent », a-t-il dit. Loin des lumières de la salle El Qods du Sila, qui a abrité la présentation du roman de Rachid Boudjdra, au stand des éditions Dalimen, le jeune poète, Teric Boucebci, présentait à la vente-dédicace son premier recueil Ayesha. Le ton y est romantique et fruité : « Après l’orage, le fruit sec s’est gorgé de vie. Les grains nus deviennent des promesses. » C’est un long poème qui évoque la construction intérieure de la personne. « Il commence par une citation de Rûmi : ’’La rose est un jardin où se cachent les arbres’’. Cela donne une idée sur ce que l’on peut rechercher à travers soi et toutes les rencontres qu’on peut faire. Je pose la question de savoir où je vais ? », nous a déclaré Teric Boucebci qui se définit comme « un poète méditerranéen ». Il publie régulièrement des textes dans des revues aux Etats-Unis, en Belgique, au Canada et ailleurs. « La société algérienne est une société de poètes.

L’Ahellil au Sud en est l’exemple. Une jeune fille de 11 ans est venue acheter mon recueil et m’a dit qu’elle écrit de la poésie. Aujourd’hui, les éditeurs prennent le risque de publier de la poésie. C’est encourageant », a ajouté Teric Boucebci. A un pas de lui, Hicham Baba Ahmed (HIC), dédicace son dernier ouvrage Nage dans ta mer, paru dans la même édition. Le HIC nous a parlé avec passion de la nouvelle revue mensuelle El Bendir consacrée à la bande dessinée et qui est cédée à 200 da. Elle est animée à 80% par des dessinateurs, tels que Slim, Aïder et des jeunes, ainsi que par des journalistes à l’image de Rachid Allik, Chawki Amari, SAS, Luc Chaulet.

Dans El Bendir, Haroun a ressuscité Mkidèche. « Le numéro zéro est lancé. Le numéro un va paraître à la mi-novembre. Pour ne pas trop tergiverser sur la ligne éditoriale, on dit que ce qui importe le plus est l’humour. Il ne faut pas faire l’amalgame car ce n’est pas une revue de dessins de presse. C’est une revue de BD qui n’est pas tributaire de l’actualité », a expliqué le HIC. Mais pourquoi El Bendir ? « Faire du bruit pour rien... », a-t-il répondu.

Par Fayçal Métaoui

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