jeudi 1 octobre 2009

Impressions de route

Il n’ y a pas à dire! Il faut contrôler tout de visu et ne pas se fier au travail de propagande entrepris depuis des années et qui nous force à prendre des vessies pour des lanternes. Tous les jours, des communiqués triomphants font part de grandes réalisations, de projets mirobolants, d’inaugurations répétées: tout semble au mieux dans le meilleur des mondes. Un avenir radieux semble se dessiner pour la génération montante, même si, en face de chez vous, cela fait des mois qu’un chantier pour l’établissement d’une passerelle, piétine: après la poussière de l’été, c’est la boue de l’hiver qui entoure les premières fondations.

Pourvu qu’il ne dure pas autant que le chantier du tramway ou du métro... Tiens! Celui-ci, on commence vraiment à l’oublier! Mais il ne faut pas faire les difficiles: si la cherté de la vie met par terre tous vos ambitieux projets, il faut reconnaître, quand même, que des progrès ont été faits et que l’eau coule sans cesse des robinets qui ont connu des sécheresses mémorables. Si la moindre pluie provoque toujours les mêmes désagréments, si les avaloirs ont toujours de la peine à absorber les généreuses précipitations, si de nouvelles voies de communication permettent dorénavant une circulation plus fluide sur la bande verte qui constitue la partie «utile» du territoire, il faut penser un peu aux villages perdus dans la steppe.

Ceux-ci n’ont pas connu les investissements industriels esquissés au nord et les découpages administratifs décidés sur le papier, donnant des titres ronflants à des agglomérations dont les noms semblent surgir de romans historiques, n’ont pas encore impulsé l’essor attendu. Sitôt que vous sortez de la majestueuse voie express qu’on ose affubler du nom d’autoroute pour aller affronter les contreforts de la barrière montagneuse, si le premier village témoigne d’une bonne organisation, où un ramassage scolaire providentiel aide les enfants dont les domiciles sont éparpillés au gré des exploitations agricoles, les villages suivants aux noms pompeux, tranchent avec leur indigence.

Les écoliers affichent leur dénuement: des enfants, sous la pluie battante font des kilomètres à pied pour rejoindre une école qui ne se distingue pas parmi les masures aux toits bas qui s’accrochent à la montagne. Dès que les pitons rocheux où des conifères rabougris tentent de survivre sont dépassés, les tons pastels cèdent le pas à la symphonie verte et ocre du maquis.

Sur la route au tracé sinueux qui ressemble plus à une piste d’aérodrome au vu de l’absence d’arbres, des groupes de deux ou trois vieux paysans vêtus de kachabia et de turban font de l’auto-stop. Tous les cinq cents mètres, des bras ou des cannes se lèvent pour implorer la pitié de l’automobiliste imperturbable qui a les yeux fixés sur la route trompeuse. Une chose est sûre, dans ce coin perdu le transport public est une chose rare et on peut prévoir, sans l’ombre d’un doute, que les requins du transport, qui se disputent la Mitidja, ne viendront pas se perdre dans ce recoin.

Selim M’SILI

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