samedi 10 octobre 2009

Après la pomme de terre... les pharmaciens

Jeudi dernier, face aux sénateurs, M. Barkat, ministre de la Santé, a donné une information qui rend malade. «On compte actuellement 79 pharmaciens exerçant dans les hôpitaux du pays», a-t-il révélé. Il a tenu à ajouter que ce nombre «est très faible». C’est plutôt son qualificatif qui est très faible car quand on sait qu’il y a au total plus de 800 hôpitaux (spécialisés, universitaires, maternité...) il suffit de faire la soustraction pour avoir le chiffre effarant d’hôpitaux qui fonctionnent sans pharmaciens.

Comment diable en est-on arrivé là? Le tableau du conseil de l’Ordre des pharmaciens - qui, malheureusement, n’a pas été mis à jour depuis 2006 - indique un total-cette année-là- de 9300 pharmaciens dont 400 pharmaciens hospitaliers seulement. Ce qui était déjà peu. Depuis et après «la mise à jour» du ministre, quelque 321 pharmaciens auront disparu de la liste du personnel des hôpitaux. Où sont-ils passés? Certes, les cliniques privées poussent comme des champignons (environ 200 d’entre elles sont déjà en activité et des dizaines d’autres sont en voie d’achèvement. D’autres projets existent également).

Certes, les officines privées ouvrent à chaque coin de rue. Enfin on peut y ajouter le nombre croissant des laboratoires d’analyses médicales, il restera toujours difficile d’expliquer le chiffre dérisoire de 79 pharmaciens pour tous les hôpitaux d’Algérie. Difficile car la filière pharmacie existe toujours dans l’enseignement supérieur et chaque année apporte son lot de nouveaux pharmaciens. Alors? Mais avant de chercher les causes probables de cette «hémorragie», arrêtons-nous sur ce qui rend vraiment malade au sens propre du terme.

Arrêtons-nous pour nous demander: avec quel personnel fonctionnent les pharmacies d’hôpitaux qui n’ont pas la chance d’avoir au moins un pharmacien parmi les 79 existants? Avec des préposés formés sur le tas comme c’était souvent le cas à l’époque des pharmacies d’Etat? Des serveurs en somme avec tous les risques que cela comporte pour les malades. Nous vous donnons un seul exemple, nous l’avons tiré de l’ouvrage que A.Mahdjoub a consacré en 1998 au «Droit pharmaceutique algérien». Frissons garantis. L’auteur cite le cas d’un médecin qui avait prescrit du «Versapen» en oubliant de mentionner qu’il était destiné à un nourrisson. Ce qui devait arriver, arriva et le pharmacien a délivré la forme adulte. Le bébé en est mort. Cela s’est passé il y a près de 25 ans mais reste néanmoins toujours du domaine du possible.

Revenons aux causes: l’attrait du privé (officines, cliniques ou laboratoires) en est sans conteste la cause principale car on ne peut croire que les centaines et les centaines de pharmaciens manquants dans les hôpitaux se soient reconvertis en droguistes. Comme le plus haut salaire ne peut concurrencer le rêve de fortune dans les affaires, il ne reste plus qu’à revoir la carte universitaire et l’ajuster au marché du travail. Même dans ce cas, il faudra des années pour espérer combler le déficit. La seule solution durable est de trouver le moyen d’en finir avec cette fâcheuse tendance qu’ont certains de nos responsables à ne projeter que pour le temps où ils sont en poste. Là, ce n’est plus le pharmacien qu’il faut appeler à l’aide...

Zouhir MEBARKI

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