samedi 10 octobre 2009

Les rabat-joie

L'équipe nationale de football a toutes les chances d'aller en coupe du monde après vingt-deux ans de panne sèche. Comme pour conjurer le sort, ce qui aurait pu être «la» polémique est relégué au rang de sujet qui fâche qu'on évoque du bout des lèvres, dans les cercles d'amis et les chuchotements de chaumières.

Tant mieux. La sélection n'a sûrement pas besoin de ça en ce moment et n'en aura sans doute jamais besoin. Au fait, de quoi s'agit-il ? Eh bien, voilà, de sa composante qui, sous prétexte qu'elle est majoritairement issue d'un autre pays où les joueurs sont nés et formés, devrait tempérer l'ardeur jubilatoire des algériens qui n'auraient de fait aucune fierté à tirer de cette performance.

Comme tous les rabat-joie professionnels qui se respectent, ces voix faussement pudiques n'ont pas emprunté les oripeaux de vierges effarouchées.

Elles ont préféré les sentiers du cynisme : ce ne serait donc pas le statut binational de nos footballeurs qui les dérange tant, mais plutôt que le fait révèlerait la faillite du sport algérien tellement incapable de «former» des joueurs susceptibles de nous valoir quelques satisfactions qu'on a été obligé d'en chercher ailleurs.

En dehors de l'affront – discret – fait à ces jeunes et à leurs parents en doutant des motivations de leur choix, il faudra bien qu'on réponde à quelques questions d'ordre «technique». Combien de pays africains ont «formé» combien de joueurs qui leur permettent d'aller en coupe du monde ?

Qu'on ne nous sorte pas encore le Mali, la côte d'Ivoire et le Cameroun. Les grandes stars de ces pays sont soit issues de l'immigration ou pris au berceau au prix d'une bouchée de pain pour être formées, puis employées et vendues par les clubs européens.

Jusqu'à ce que les clubs africains puissent mettre autant d'argent dans le foot que le Real de Madrid ou l'Inter de Milan, les sélections africaines continueront à puiser en Europe les joueurs qui leur permettront de participer aux grandes compétitions.

Il reste l'exception égyptienne, et encore… Qu'est-ce qui serait plus honorable entre faire jouer des footballeurs venus d'ailleurs et faire de sa sélection nationale la chasse gardée de deux clubs sous perpétuelle perfusion de la manne de l'instrumentalisation politique ?

Jusqu'à preuve du contraire, ce pays n'est pas un exemple de réussite en coupe du monde où il n'a été qu'une seule fois dans sa version moderne ? Qu'on ne nous resserve surtout pas la chanson de Belloumi formé à Mascara, Merzekane à Hussein Dey et Assad à Kouba.

C'était une génération de surdoués dont les clubs ont multiplié par mille le budget depuis sans nous en sortir même pas un ersatz. Si l'Algérie doit former des footballeurs de haut niveau, elle doit y mettre les moyens qui se rapprochent au moins de celui des grandes nations.

En attendant, rien ne nous empêche de savourer une qualification en coupe du monde, pas encore acquise, mais toute proche.

Slimane Laouari

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