samedi 29 août 2009

Souk el-hadj Lakhdar

On ne sait toujours pas avec précision l’origine de cette flambée cyclique des prix des produits agricoles. Qui est donc ce mystérieux “spéculateur” qui serait à l’origine de ce dérèglement délictueux du marché ?
L’agriculteur ? Il vient justement de bénéficier de l’effacement de ses dettes parce que l’agriculture n’aurait pas été une activité rentable. Ce serait le comble d’accabler celui qu’on a dû sauver de la ruine en le dispensant de rendre l’argent que les banques lui ont prêté !

À moins qu’il n’y ait pas de rapport entre ceci et cela. La politique de mise en valeur a juste permis de défricher des terrains du domaine forestier à l’intention de fonctionnaires moins intéressés par la concession foncière que par le financement qui l’accompagne.

Alors, le marché de gros ? Mais la pratique du marché de gros ne concerne que les grands centres urbains. Pourtant, la cherté des fruits et légumes et de viandes éprouve l’ensemble des Algériens, y compris dans les milieux ruraux et même là où le consommateur s’approvisionne chez le petit fellah. Celui-ci ne manque pas de difficultés.

Dont celle de la manipulation des engrais et autres produits d’entretien, soumise à des procédures précises, pour les raisons sécuritaires qu’on devine et comprend. Cette situation est dissuasive pour la culture de certains produits.

Elle contredit, dans les faits, le discours d’encouragement à une plus grande productivité agricole. Il en va de la question des engrais comme du paradoxe de la promotion du carburant GPL qu’on encourage, tout en interdisant aux véhicules apprêtés à ce carburant de pénétrer dans les parkings contrôlés (hôtels, aéroports…).

Autant qu’il ne faille pas s’attendre à la bousculade des automobilistes pour la conversion au GPL, il ne faut pas s’attendre à des records de productivité agricole en contexte de pénurie administrée des engrais, sans compter les déficits d’eau, d’aménagement, etc.

Outre que la question des prix ne fait que cacher la situation de clochardisation du commerce de gros et détail, il est peut-être temps de poser le problème général de l’agroalimentaire au lieu de chercher un virtuel spéculateur.

Le plus dégradant pour le consommateur n’est pas dans le prix, mais dans ce traitement humiliant qui consiste, pour le vendeur, à lui choisir les pièces les plus avariées, sans recours. L’Algérien s’approvisionne dans des marchés insalubres et des lieux de vente improvisés où s’étalent sardines et pain à même le sol.

En matière de qualité, d’hygiène et de poids et mesure, il y a un silence des consommateurs et de l’État, comme si le prix seul était constitutif de la nature du marché.

À l’incivisme dans les rapports marchands-clients, s’ajoute l’incurie de l’administration. Et devant leurs effets conjugués, l’État, constatant son impuissance à juguler l’inflation des prix à la consommation, recourt à l’incantation sur le thème de la “spiritualité du mois de Ramadhan” et en appelle aux imams pour qu’ils contribuent à moraliser le commerce.

L’organisation des activités économiques et sociales ne relèverait-elle plus des seules institutions de la République prévues à cet effet ?

Tenter de compenser un déficit de gestion par le prêche reviendrait à réduire le pays à ce Souk el-hadj Lakhdar, caricaturale série télévisée de leçons de civisme.

Mustapha Hammouche

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