samedi 29 août 2009

Rediffusion

Les chaînes françaises ont pour habitude, durant les deux mois d’été, juillet et août, quand la plupart des salariés et des patrons prennent le chemin du soleil, de faire des rediffusions de films ou d’émissions qui ont eu un certain succès ou alors, quand elles n’ont pas carrément les moyens, elles économisent en concoctant des best-off.

TV5 vient de se distinguer en rediffusant la série qui retrace le parcours tumultueux du couple le plus philosophe et le plus engagé de France: Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre. Evidemment, ce qui intéresse le téléspectateur algérien, ce ne sont pas les tribulations amoureuses de ce couple hors normes qui a vécu en conformité avec ses principes de liberté inhérents à sa philosophie.

Ni les aventures amoureuses ni les péripéties universitaires ne sauraient faire passer en second plan le sujet brûlant de l’actualité française d’alors: la guerre d’Algérie. Elle avait divisé la France, ses institutions et ses intellectuels en deux camps diamétralement opposés. Elle sera la cause du clivage entre ceux qui, sous des arguments de «progrès» et de «civilisation», défendaient la présence de la France en Algérie, et ceux qui, marxistes ou non, étaient rebutés par un système colonial anachronique.

D’ailleurs, l’épisode de l’annonce de la mort accidentelle d’Albert Camus, célèbre philosophe existentialiste, apôtre de l’absurde, qui avait commencé sa carrière d’écrivain dans les colonnes d’Alger Républicain où il dénonçait la misère en Kabylie durant les années 30, est significatif: après avoir été un proche du couple le plus célèbre du café de Flore, il a brusquement cessé de le fréquenter dès le début de la guerre d’Algérie. Il faut dire que beaucoup d’intellectuels français n’étaient pas restés insensibles aux tentations des salons parisiens et d’une vie mondaine qui aidait à ouvrir toutes les portes.

D’ailleurs, le comportement des deux philosophes restera aussi différent quel que soit le sujet: Albert Camus s’empressera de recevoir le prix Nobel à Stockholm tandis que Jean-Paul Sartre le refusera avec dédain à cause de la ségrégation dont étaient victimes les intellectuels du tiers-monde ou des pays socialistes.

Mais le sujet du film le plus intéressant, le coeur, c’est l’implication du couple dans le mouvement de résistance qui mobilisa beaucoup d’intellectuels contre les crimes de guerre qui se tramaient en Algérie, avec le silence d’une presse qui voulait à tout prix formater l’opinion publique française. Jean-Paul Sartre d’abord par ses articles, dénonça la torture qui avait été instituée par l’Armée française avec la complicité d’une partie de la classe politique.

Il connut évidemment les foudres d’une censure implacable qui saisit la revue qu’il dirigeait Les Temps modernes. Sartre, en effet, ne cessait de rapprocher intelligemment les méthodes barbares pratiquées par l’appareil de répression nazie dans la France occupée et la torture érigée en système en Algérie. Il s’engage corps et âme avec des amis comme Francis Jeanson, le créateur du réseau des porteurs de valises, et des élèves qui formaient le cercle de ses admirateurs dans des opérations de soutien logistique au mouvement de résistance de la Fédération de France.

Le téléfilm politique est un moyen efficace de faire connaître l’histoire à la majorité d’une population soumise au matraquage de l’idéologie dominante. Espérons, toutefois, que la suite de la série saura nous éclairer sur les causes, philosophiques ou humaines, qui ont poussé Jean-Paul Sartre à épouser la cause sioniste.

Selim M’SILI

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