mercredi 31 août 2011

Pourquoi Al Jazeera ne critique jamais l'Arabie Saoudite?

«On ne peut demander au pur-sang de tirer la charrue.» Cheikh Hamidou Kane "Extrait de L'Aventure ambiguë"

Al Jazeera choisit-elle les révolutions selon les pays? C'est le constat qu'on fait quand on découvre le traitement parfois ciblé de la chaîne qatarie. Après la Tunisie, l'Egypte et la Libye, cette fois c'est la Syrie. Mais d'autres pays de la péninsule arabique ne sont jamais critiqués, l'Arabie Saoudite et surtout le Bahrein. Même si il y a quelques jours, le directeur d'Al Jazeera International, Al Anstey, a défendu la diffusion d'un documentaire sur les récents troubles à Bahreïn. En effet, le reportage Shouting in the dark, qui traite des protestations populaires durement réprimées à la mi-mars par les forces gouvernementales et qui ont fait 24 morts en un mois, a irrité les autorités de ce pays. La presse bahreïnie a vivement critiqué Al Jazeera. «Les médias qataris font de la désinformation et incitent à la sédition à Bahreïn», écrivait ainsi lundi 8 août, le quotidien bahreïni Al-Watan. Pour la réalisation du documentaire: «Nous n'avons pas bénéficié d'une liberté de mouvement et les autorités bahreïnies ont refusé de nous parler», a déclaré Al Anstey dans un entretien publié dans le quotidien qatari The Peninsula. La chaîne arabe d'Al Jazeera, qui a assuré une large couverture des soulèvements en Tunisie et en Égypte, avait été critiquée par des militants bahreïnis pour sa timide couverture des troubles dans leur pays, membre comme le Qatar du Conseil de coopération du Golfe (CCG). En réalité, cette absence de couverture est essentiellement liée à sa position géopolitique. Le Qatar partage sa frontière avec l'Arabie Saoudite et le Bahreïn. Connaissant la mentalité tribale de ces deux pays, le Qatar redoute que se répète le scénario de l'invasion irakienne au Koweit et de voir débarquer dans ses rues, sans défense, l'armée saoudienne. Al Jazeera n'a jamais interrogé un responsable saoudien sur les exils forcés des deux ex-dictateurs, Mohamed Salah et surtout Ben Ali. Al Jazeera qui suit comme le lait sur le feu les événements en Arabie Saoudite redoute des irritations du Serviteur des Lieux Saints. Si Al Jazeera a épargné le Bahreïn dans son traitement révolutionnaire, c'est essentiellement pour faire plaisir à son grand protecteur, l'Arabie Saoudite. Al Jazeera est devenue une menace pour la majorité des pays arabes dans la région et une arme de destruction massive aux mains de la diplomatie qatarie. Une attaque médiatique d'Al Jazeera est, d'après les derniers coups de théâtre dans la région, plus efficace que n'importe quelle armée du monde. La chaîne qatarie a également épargné le Koweït qui est son voisin dans la région, mais garde un oeil sur tout ce qui se passe dans la région. Au XXIe siècle, une boîte d'allumettes dans le désert a eu le dessus sur plus de 40 ans de dictature dans le Monde arabe et ce n'est pas encore fini.

Amira Soltane

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