mercredi 31 août 2011

Le maire, les jeunes et la loi

Pour avoir bravé l'Etat, quatre pauvres bougres souffrent le martyre. L'un d'eux est même en taule...

Sur les quatre inculpés de sit-in illégal et d'outrage au maire de Chéraga (Alger), suivis de dépassements à l'encontre de policiers dans l'exercice de leurs fonctions, il n'y a qu'un seul détenu qui a apparu tel un héros, local, surtout que ce jeune avait fait partie du comité de soutien au maire aujourd'hui plaignant, mais absent dans la salle d'audience et la défense l'a déploré!
Il est impératif de souligner que si les deux avocats Maître Nouasria Jr et Maître Aïd ont joué leur rôle pleinement, Zaïm, le procureur a été magnifique, au cours des débats où il a donné un sérieux coup de main à Joubana-Djazia Mezaâche, la sympathique et correcte présidente de la section correctionnelle du tribunal de Chéraga (cour de Blida). Il fallait l'écrire!
Durant le réquisitoire, debout le représentant du ministère public a eu l'occasion de mettre en valeur l'autorité de l'Etat. Il a rappelé que le parquet bouge sur plainte.
«Il y a eu plainte du maire de Chéraga pour trouble à l'ordre public, outrage au président de l'APC, insulte et plus grave, menace. Vous lui aviez rappelé qu'il ne lui restait que 18 mois d'immunité, après quoi vous alliez lui faire voir. Ce n'est pas une menace, ça?», a encore ajouté Zaïm qui sent qu'il tient le bon bout et il n'y va et pas de main morte. S'accrochant aux seuls faits, il affirme que le ministère ne fait pas de politique mais il examine des dossiers. «Et votre dossier est clair. Vous êtes coupables de ce qui vous est reproché!», conclut le procureur avant de requérir une peine de prison ferme de deux ans pour chacun des inculpés qui restent de marbre. Mieux, l'inculpé détenu ricane. Il a franchement l'air de s'en ficher des demandes. Ce sera alors autour de Maître Messaoud Nouasria d'entrer en scène pour un long moment d'une défense appliquée, appuyée sur une minutieuse réplique au parquetier impassible.
«Ils ne sont coupables de rien, Mme la présidente. Il y a eu des mouvements de jeunes révoltés, des SDF, des chômeurs, des démunis qui étaient d'ailleurs plus de quarante jeunes en colère. Oui, le maire s'est plaint, mais où est-il ce mardi? Pourquoi n'est-il pas venu signer et persister? Dire ce qui l'a blessé!», siffle l'avocat brun qui appuie sur l'accélérateur en rappelant les termes du maire, d'ailleurs repris par le procureur. La défense serait ravie d'entendre la victime répéter les menaces. Elle en serait incapable, car ces mots n'ont jamais été prononcés. «Mme la présidente, l'essentiel n'est pas seulement de poursuivre et rester chez soi, attendant un SMS porteur de la bonne nouvelle. Non, la justice est unique. Elle entend toutes les parties. Et le devoir du juge est de chercher la vérité toute la vérité», a ajouté le défenseur qui a dû suivre sans se fâcher le beau sourire affiché par Zaïm, le représentant du ministère public qui devait rigoler du concept que la justice se doit d'écouter tout le monde.
Maître Nouasria passe outre et achève sa plaidoirie en évoquant l'article 212 avant que le tribunal ne se prononce, loin de toute pression nuisible et nocive. Joubana-Djazia Mezaâche, la juge embellit grâce à son magnifique sourire affiché juste après la demande de relaxe des quatre inculpés rassasiés de mots.
Plaidant juste après son aînée, Maître Nassima Aïd, l'avocate de Mohammed Zaouali, un inculpé des trois non-détenus, s'était levée pour intervenir aux côtés de son client et d'emblée elle proteste que sur les quarante auteurs de sit-in, il n'y en a que quatre, ici», c'est curieux que des jeunes qui se sont déplacés à la mairie de Chéraga demander «ce que le président de la République leur a accordé généreusement, leur soit refusé par le président de l'APC», s'est écrié l'avocate qui a rappelé que ces quatre jeunes étaient aux côtés du maire alors candidat au poste de premier magistrat. Le sort a voulu qu'en guise de cadeaux de local à offrir, on a offert la taule ouvrant une parenthèse sur les institutions données par le président de la République pour ce qui est du dialogue à instaurer avec les mécontents: «Non, M. le maire a prétendu que X, Y ou Z l'a outragé. Il a donné sur la quarantaine de manifestants, il avait sur le bout des lèvres les noms et prénoms de ceux qui l'ont aidé au cours de la campagne électorale de 2007!»
Puis, l'avocate blonde effectue une inattendue sortie en plongeant la presse nationale dans le bassin des causes du soulèvement des jeunes: «Mme la présidente, ce n'est pas péjoratif du tout, ce n'est même pas négatif ce que je vous débite, mais c'est la vérité. La presse nationale avait donné les excellentes nouvelles des immenses mesures prises par le président de la République qui avait décidé l'octroi par les APC aux jeunes diplômés notamment. Alors, Mme la présidente, convenez avec moi que ce genre de nouvelles réjouit certes, mais les jeunes ont pris au mot des informations publiées solidement sur des journaux. Ce n'étaient pas des ragots, ni du bouche-à-oreille. Les jeunes ont vainement attendu et rien à l'horizon», a expliqué Maître Aïd qui revient treize secondes et demie sur l'absence de menaces et de casse.
«Oui, Mme la présidente notre jeunesse n'a jamais suivi ni Facebook, ni la CIA, ni de quelconques appels au soulèvement. Nos jeunes se soulèvent et cassent tout sur leur passage. Ceux-là ont observé un sit-in, ce qui n'est pas un délit», a sifflé le défenseur. Juste après une courte mise en examen, la juge décide une rallonge d'une semaine, histoire de démontrer au détenu que l'autorité de l'Etat est sacrée, que nul n'est censé ignorer la loi, et donc, huit nuits en prison donnent à réfléchir.
Ah! l'autorité de l'Etat bafouée!

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