lundi 12 octobre 2009

Ivre et maladroit!

«Boire pour oublier» soutiennent souvent les fous de Bacchus.
«Ecoper pour arrêter!» semblent rétorquer les juges du siège.
Les justes, les compétents, les courageux, pas ceux...

Il y a des jeunes qui picolent jusqu’à oublier où ils mettent les pieds. Djamel N. s’est trouvé vers 0 heure 30 nez à nez avec Farida L., sa voisine, qui s’est déplacée au tribunal de Boufarik, pour dire son...pardon (!!!). Le détenu, lui, parle de raclée reçue chez les L. Est-ce Mohamed ou Amor? Il n’en sait rien! Maître Benamghar plaide le tout pour le tout. C’est la présidente de l’audience pénale du tribunal de Boufarik (cour de Blida), Boudmagh, qui ouvre le bal du délit du jour: le vol, fait prévu et puni par l’article 350 du Code pénal. Elle regarde en biais l’ombrageux Kouchih, le jeune frais procureur et invite Djamel N. à s’expliquer sur son geste. Le tout petit menu frêle, point costaud, bafouille. Les mots morts s’échappent un à un inaudibles parfois. Nous allons tenter de vous monter un petit paragraphe, histoire de vous faire une idée sur le sujet:

«Je ne sais pas ce qui s’est passé. J’étais ivre. Je ne savais pas où j’avais mis les pieds. J’étais assis, mais battu. J’ignore qui...». La juge l’aide un peu en lui rafraîchissant la mémoire. Il lui dit entre autres que «lorsque Farida, sa voisine et son fils avaient été ´´réveillés´´ par le bruit causé par vous, ils avaient cru avoir en face d’eux un terro. Vous avez de la chance», commente la jeune juge du siège qui est comme toujours, à trancher et non pas à fignoler ou à... «flâner», à errer jusqu’aux lueurs... Puis ce fut au tour de Farida et son ado de fiston d’éclairer le tribunal. La première se contentera de «pleurer» le sort de Djamel (un comble!), elle a même réussi à arracher un beau sourire au bel avocat du jour, en traitant le prévenu de pauvre malheureux (Meskine) et donc «libérable à souhait». Mohamed, le «jeune chéri» de la victime de vol, n’est pas allé aussi loin que sa maman. Il a surtout assuré le tribunal qu’au moment où il arrivait devant la porte, Djamel était assis.

Pauvre justice! A qui elle a affaire en ces temps, où la réforme semble marquer le pas faute de résultats probants, sonnants et trébuchants malgré les «chevauchées des portes ouvertes de la justice» et les actions assourdissantes de la mise en place de gros moyens en direction de la modernisation, une modernisation injustement bâillonnée par ces maudites statistiques, ces armes secrètes du résultat immédiat de chefs de cour ou de tribunal. Mme Boudmagh, en magistrate avisée mène l’instruction en vue d’avoir une nette idée des faits. Par de nombreuses questions très pertinentes, elle apprendra que la porte est en zinc. Le témoin qui se présente comme retraité et GLD lorsqu’il doit décliner sa... profession, se fait carrément le second avocat de Djamel. Il dira même que l’inculpé est un ancien «patriote» comme s’il voulait guider le tir de la justice ou du moins le rectifier.

«Nous ignorons s’il a enjambé le muret, s’il a sauté du toit. Je n’ai vu personne l’agresser», dit le témoin unique, qui quittera la barre avec une assidue demande de clémence: «A cause de sa mère malade et après le pardon de Farida.» Maître Benamghar, a abordé l’état d’ivresse, qu’il sait comme étant une circonstance aggravante, car le Code pénal de 1966 remanié plusieurs fois est d’essence égypto-française: «Il est temps pour le législateur de se pencher sur ce délit...», a martelé le jeune défenseur qui a souligné que l’alcool a joué un très mauvais tour à Djamel, qui saurait se souvenir de la magnanimité du tribunal, si la présidente lui donnait une chance: le sursis.

«La défense met beaucoup de poids lors de la mise en examen, car ce dossier est composé essentiellement de maladroits et d’auteurs de bêtises de gamins. Et encore», lancera l’avocat de Boufarik que félicitera Maître Omar Aït Boudjemaâ flanqué de sa belle et jeune fille, avocate elle aussi, venue pour une affaire de voisinage, de coups et blessures ayant entraîné de graves blessures sans intention d’encaisser... La juge, qui avertira le frais condamné de ne pas revenir dans cette salle pour cinq ans au moins, allait infliger une peine assortie du sursis, histoire de faire de l’oeil aux éventuels récidivistes qui risquent gros, en cas de... Djamel souffle, car il a saisi le mot «sursis» donné en arabe classique. Ses proches quittent précipitamment la salle d’audience, heureux, mais alors heureux, heureux...

Abdellatif TOUALBIA

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