mercredi 30 septembre 2009

Un État fort, des investissements privés, une ouverture préparée

Treize pays qui ont obtenu 7 % de croissance économique par an en moyenne durant vingt-cinq ans au moins ont fait l’objet d’une étude par une commission créée en 2006 sous l’égide de la Banque mondiale.

Cette commission dénommée «Croissance et développement» était composée de dix-neuf sommités et présidée par le Nobel d’économie américain Michael Spencer — Robert Slow, un autre Nobel d’économie, Kamal Dervis (ancien économiste en chef de la BM), le gouverneur de la Banque centrale de Chine, celui de la BC d'Indonésie et d’autres grands économistes ont fait partie de cette commission. Cette étude, qui a duré dix-huit mois et qui a concerné treize pays : Brésil, Chine, Corée du Sud, Indonésie, Hong Kong, Japon, Malaisie, Malte, Oman, Botswana, Singapour, Taïwan, Thailande, est parvenue à des conclusions bien intéressantes à rappeler. Nous en avons retenu dix.

1/ Il n’y a pas de doctrine et de «modèle» de croissance et de développement économique valables pour tous les pays. «S’il existait une seule doctrine de croissance valable, nous l’aurions découverte», écrivent les membres de la commission. Chaque pays a des caractéristiques et une histoire propre dont sa stratégie de croissance doit tenir compte. Il faut, par conséquent, être pragmatique et coller aux réalités de l’économie et de la société qu’on veut transformer et développer.

2/ La croissance forte et soutenue n’apparaît pas spontanément. Elle se fabrique patiemment mais avec volonté et détermination.

3/ La croissance économique exige une administration compétente, crédible et motivée. «La croissance réclame un Etat fort», écrivent les membres de la commission. Elle exige aussi, soulignent- ils, pour être durable, une planification de long terme.

4/ L'ouverture et l’intégration à l’économie mondiale sont recommandées et apparaissent comme des facteurs clés de succès dans les treize expériences étudiées. Elles permettent l’importation des technologies et des savoir-faire des autres pays. Mais, précise la commission, l’ouverture se prépare par une série de décisions appropriées. Apparaît encore une fois ici, le rôle de l’Etat. D’un autre côté, une politique d’exportations est nécessaire car les stratégies de croissance qui reposent exclusivement sur la demande intérieure finissent toujours par atteindre des limites.

5/ L’expérience des pays qui ont réussi montre qu’il faut créer une véritable technostructure, c’est-à-dire des cadres compétents et bien formés qu’il faut «couver» et protéger et qui doivent subsister aux changements politiques. Ces équipes de technocrates qu’il faut protéger par des lois assurent une certaine mémoire institutionnelle et la continuité des politiques de développement.

6/ L’étude menée sur les treize pays retenus montre bien, selon les membres de la commission, qu’une allocation efficiente des ressources ne peut être assurée que par le marché pour lequel il n’existe pas de substitut efficace connu. Mais, souligne la commission, le marché a besoin d’être régulé, notamment par des institutions qui définissent les droits de propriété, veillent à l’application des contrats, comblent le déficit en informations entre acheteurs et vendeurs.

7/ Ce n’est pas parce que les pouvoirs publics font parfois preuve de maladresses ou se fourvoient qu’ils doivent être tenus à l'écart du processus de développement. Au contraire, plus l’économie croît et se développe, plus une administration publique active et pragmatique a un rôle crucial à jour. Mais le rôle de création de valeur ajoutée revient au secteur privé, à l'investissement et à l’entrepreunariat. Les membres de la commission écrivent : «On peut mesurer la croissance du PIB du haut de la forêt macro-économique mais c’est dans les sous-bois microéconomiques que se prennent toutes les décisions et que de nouvelles pousses germent et que les bois morts sont balayés.» Tout se joue dans l’entreprise.

8/ Aucun pays n’enregistre de croissance forte et durable sans maintenir un taux d’investissement public extrêmement élevé dans les infrastructures, l’éducation et la santé. Loin d’évincer l’investissement privé, ces dépenses l’attirent.

9/ Une politique de croissance forte et durable exige des systèmes de protection sociale qui assurent une source de revenus aux personnes à la recherche d’un emploi et garantissent un accès permanent aux services de base. En l’absence de ces politiques de protection sociale, la stratégie de croissance s’émoussera rapidement.

10/ La croissance doit procéder, de plus en plus, du savoir, de l’innovation et de la diversification du stock de capital physique et humain. Les services doivent aussi occuper une place de plus en plus grande dans l’économie. Pour résumer, la croissance et le développement exigent :
a) un Etat fort et une planification à long terme... mais...
b) des investissements privés et un système économique de marché,
c) l’ouverture économique mais sérieusement préparée,
d) une protection sociale pour motiver les producteurs.

Par Abdelmadjid Bouzidi

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