mercredi 30 septembre 2009

Silencieuse dérive

Il a fallu le talent de Dino Buzzati pour inventer Le désert des Tartares, parce qu’a priori, il est difficile d’inventer un endroit où rien ne se passe.

En Algérie, dans la platitude d’une vie publique réduite à sa plus simple expression, le citoyen guette la moindre saillie, espérant que quelque chose survienne qui puisse être annonciateur d’un lendemain amélioré.

Grâce à une ENTV qui marque Bouteflika au pas, nous avons pu guetter, tous “les vingt heures”, le circuit américain de notre Président. Mais rien de marquant, la rue nationale n’en avait que pour Al-Khadafi qui a osé faire voler la Charte des Nations unies. Unique Libyen à jouir de la liberté d’expression depuis quarante ans, il en use jusque dans le fief du conseil des puissants.

Maintenant affranchi, au prix de millions d’euros, des charges de terrorisme, il peut leur retourner la leçon de justice. Avec la manière que nous affectionnons : l’offense. Il a commis son jet de chaussure à la figure de l’Occident et cela nous suffit pour en faire notre héros du moment. Au Venezuela, même discours sans aspérité de Bouteflika. Al-Khadafi, sur sa lancée, et hôte d’un Chavez avec qui il semble faire désormais la paire, appelle à la création de l’Otan du Sud. L’Otan des sabres et des lances ?

À l’intérieur, hormis l’intermède de la couleur des tabliers des élèves qui a égayé la rentrée scolaire, il n’y en a que pour la loi de finances complémentaire. Dans les prochains jours, on va sûrement en découdre avec ce responsable américain qui, osant l’ingérence, a exprimé “la préoccupation” des entreprises américaines. Ce qui n’est que le constat d’échec d’une tentative d’intégration à l’économie mondiale est présenté comme une œuvre de patriotisme économique.

Depuis le début des réformes initiées en 1989, avortées avec la destitution du gouvernement Hamrouche, relancées par l’opération d’échelonnement, on ne fait plus que cela : tenter d’inscrire notre économie dans le mouvement de mondialisation. Sinon, c’est quoi les négociations avec l’OMC, l’accord d’association avec l’Union européenne, l’entrée dans la Zone arabe de libre-échange ?

Nous n’avons pas su orienter l’argent du pétrole, surtout avec l’embellie de la décennie 2000, vers la préparation de l’après-pétrole ; nous n’avons pas su préparer les conditions d’accueil des IDE que nous appelions de tous nos vœux tout au long des deux mandats passés ; nous n’avons pas su créer une économie de production qui supplanterait une économie de la rente. Dans ce contexte d’échec socioéconomique, la LFC, c’est simple : il y a moins d’argent, la masse doit consommer moins et moins bien.

Rien ne se passe. Mais le mouvement de fond est dangereux. Et la loi de finances patriotique cache le désastre de la réalité. Le PT peut se féliciter de la LFC qui nous protège de l’impérialisme et oublier de demander des nouvelles des fonds détournés du PNDRA. Aucun parti politique, ceux qui présentent des candidats à la présidentielle comme ceux qui la boycottent, ne s’inquiète de ce trou financier béant devenu de notoriété publique. C’est dire le consensus de fond.

Errance doctrinale en économie, régression morale en politique. Occupés après nos saluts individuels, nous n’arrivons même plus à animer le radeau en dérive. Nous dérivons en silence.

Par : Mustapha Hammouche

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