mercredi 4 novembre 2009

De la prospérité de la corruption

Le procureur général d’Alger s’est voulu rassurant en déclarant que la répression judiciaire des faits de malversation est effective. “Je ne suis pas d’accord avec ceux qui prétendent que le parquet général est frileux par rapport à la procédure d’autosaisine qui diffère du déclenchement de l’action publique qui se base, elle, sur une plainte. Pas plus tard qu’hier, j’ai signé l’ouverture d’une enquête sur le foncier à Alger”, a déclaré le magistrat. C’est, avec la promesse présidentielle d’un comité ad hoc, la seconde bonne nouvelle en matière de lutte contre la corruption. Malheureusement, l’histoire de la gestion des deniers publics est parsemée d’annonces rassurantes.

D’ailleurs, le procureur général a pris soin de préciser les limites de la compétence de sa juridiction. Elle ne peut pas se pencher de son propre chef sur les affaires qui impliquent les hauts responsables. “Cela dépasse mes compétences. La loi est claire sur cette question qui relève des privilèges de juridiction sur lesquelles se penche la Cour suprême”.

Il n’est donc pas possible de lui opposer l’affaire BRC, dissoute en même temps que l’entreprise du même nom. Il n’est pas non plus possible de lui opposer l’affaire du PNDRA. Celle-ci défraie la chronique depuis de nombreux mois, sans qu’elle ne provoque la moindre mise au point, mais aussi sans qu’elle ne provoque la moindre réaction institutionnelle.
Avec l’affaire Khalifa, nous apprîmes, profanes juristes, le diktat de “l’arrêt de renvoi” : le juge ne peut rien changer à l’accusation qui y est consignée. Cette interdiction de se détacher de la lettre de l’arrêt de renvoi a été ainsi formulée par la présidente de la cour de Blida : “Vous êtes entré en témoin, vous sortirez en témoin.”

Le risque, avec ce principe de “privilèges de juridiction” qui désarment les cours et tribunaux face aux forfaits éventuels des hauts responsables, c’est qu’il puisse s’établir une justice de la corruption et une justice de la corruption des hauts dignitaires. Ce ne serait alors qu’un alibi de lutte contre la corruption. L’actualité est pourtant éloquente.

C’est, en effet, dans les plus gros budgets de la nation — l’autoroute Est-Ouest, le métro, le développement de l’agriculture, la gestion des ressources halieutiques — supposés être surveillés par les plus hauts niveaux de responsabilité, que semblent sévir l’avidité et la corruption. Si la présomption d’innocence, dans ces affaires en particulier comme dans d’autres, doit être de mise, il reste qu’il n’y a pas de fumée sans feu et que le pillage des ressources nationales n’épargne même pas les projets les plus emblématiques du pays.

La corruption et le détournement ne sont pas des crimes ordinaires, des crimes “de société”. Ils impliquent le commis de l’État dans son rapport à l’État. Ils expriment le type de légitimité et le type de motivation qui président aux carrières de pouvoir, c’est-à-dire la nature de l’État.

C’est donc là une question éminemment politique en ce qu’elle dépend de la volonté politique plus que de l’efficacité des services de répression et de l’appareil judiciaire. L’expression ravageuse de la corruption ou sa répression dépend moins de l’efficacité policière ou judiciaire que du mode de gouvernance.

Par : Mustapha Hammouche

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