lundi 19 octobre 2009

Tout change pour que rien ne change

On a l’impression qu’il ne s’est rien passé dans le monde et que tout continue comme avant. G20 ou pas, l’histoire économique contemporaine bégaie. Qu’on en juge. Comme avant la crise, les rémunérations des 23 plus grandes institutions bancaires et financières américaines, selon le Wall Street Journal, atteignent un nouveau record avec 140 milliards de dollars c'est-à-dire un peu moins que le PIB de l’Algérie en 2008. Comme avant la crise, le dollar continue de reculer devant l’euro autour de 1,5 $ pour 1 euro.

À la bulle immobilière succède à présent une bulle de l’endettement non seulement aux États-Unis mais aussi en Europe (notamment en France) dont on ne mesure pas assez les problèmes potentiels qu’elle va induire sur l’économie mondiale. Que deviennent les critères de convergence de Maastricht ? Où est passé le consensus formel affiché lors du G20 de Pittsburgh ? Est-il en train de s’effriter à l’épreuve des intérêts nationaux et régionaux ? En tout cas un certain nombre de signaux l’indique.

D’abord le dollar est attaqué sur plusieurs fronts : l’or semble redevenir la valeur refuge des spéculateurs mais aussi des États avec une once qui atteint le montant de 1 051 $, les pays d’Asie veulent créer à l’instar de l’euro land une zone monétaire asiatique. On a même vu des velléités de mise en place d’une nouvelle devise composite remplaçant le dollar dans les transactions pétrolières mais vite démenties car on s’est rappelé que les États-Unis représente plus du quart de l’économie mondiale (26%). Mais à moyen terme, l’endettement public des pays les plus puissants de la planète et la réforme du système monétaire international seront au cœur des prochains enjeux géostratégiques.

Ne parle-t-on pas déjà du binôme États-Unis-Chine-le G2 comme l’appellent déjà certains observateurs — structuré autour du “deal” accès au marché contre obligation de dépôts financiers ? Il faudra toujours se rappeler que pour beaucoup moins que cela, la plupart des pays en voie de développement étaient passés sous les fourches caudines des douloureux Plans d’ajustements structurels (PAS) conduits par le FMI et la Banque mondiale. Juste retournement de l’histoire, le FMI sollicite à présent la contribution des réserves financières des pays émergents dont l’Algérie sous forme d’achats d’obligations libellés en DTS. Après tout, pourquoi pas, c’est sans risque et mieux rémunéré que les bons du Trésor américain.

Ces aspects de la problématique de la crise ne pouvaient pas être occultés par le séminaire international de l’université de Béjaïa consacré au “ralentissement économique mondial et effets sur les économies euromaghrébines”, séminaire auquel j’ai été convié les 11 et 12 octobre 2009. Le professeur émérite François Morin de l’université de Toulouse, fort également de son expérience de membre du Conseil de la Banque de France, n’y a pas caché ses appréhensions dans sa communication portant sur “la crise financière, une crise de globalisation et de la libéralisation des marchés”.

De façon directe, il prévient que “l’endettement public mondial est devenu si considérable que l’on doit parler à présent d’une bulle dont il faut d’ores et déjà imaginer les conséquences possibles si elle devait éclater”. L’exposé du rapport annuel sur l’évolution économique et monétaire de l’Algérie fait par le gouverneur de la Banque d’Algérie à l’Assemblée populaire nationale (APN) ne nous apprend rien de nouveau que l’on ne sache déjà sur les équilibres et les vulnérabilités monétaires et financiers. Un chiffre intéressant quand même à relever, c’est celui de l’évolution des recettes fiscales hors hydrocarbures qui augmentent de 28,1% passant de 565 milliards de dinars le 1er semestre 2008 à 723,9 milliards de dinars au 1er semestre 2009.

Il aurait été utile qu’il ajoutât à sa présentation un ratio significatif de diversification de l’économie nationale : celui de l’évolution du taux de couverture du budget de fonctionnement de l’État par la fiscalité hors hydrocarbures. Cela nous ramène à l’économie réelle et à la nécessité de soutenir dans tous les cas les entreprises productrices de biens et de services. Certaines d’entre elles, surtout les PME, font état de difficultés de mise en place de leur plan de financement d’exploitation du fait de la suppression de la remise documentaire (Remdoc) comme moyen de paiement bancaire.

Ce n’est pas parce que ce problème ne se pose pas pour certaines grandes entreprises qu’il faut l’occulter. La complexité d’une bonne gouvernance économique réside précisément dans le fait qu’il faut non seulement se prémunir des effets de la crise par des mesures inévitables mais aussi en réduire les conséquences négatives notamment sur les entreprises.
Je terminerai par un dernier exemple de gouvernance qui traduit quant à lui son ambivalence : l’université Mira de Béjaïa est un joyau architectural conçu et construit avec des moyens nationaux, en revanche, l’urbanisation de la ville et son schéma de transport sont médiocres. Dans le premier cas, on jette le bébé avec l’eau du bain et dans le second, on est capable du meilleur comme du pire. C’est là tout le paradoxe algérien.

Par : Mustapha Mekideche

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