Au milieu des années 1980, un établissement de l’enseignement secondaire avait organisé un sondage pour savoir qui est le héros de la Révolution le plus connu des élèves. La réponse a été sans appel : Sid Ali Kouiret ! Il est vrai que ce talentueux comédien avait beaucoup joué dans les films dont les scénarios parlaient de la révolution, mais cela ne signifie en rien qu’il faille confondre fiction et réalité.
Au-delà du caractère anecdotique de cette histoire -qui peut ne pas être vraie- cela confirme une chose : les Algériens ne connaissent pas suffisamment leur Histoire. Et la frange juvénile est la plus touchée par cet état de fait. Les conséquences de cette dérive sont connues de tous ; les Algériens sont en manque de repères. Mais cela signifie-t-il que ces jeunes lycéens, et tant d’autres concitoyens sont fautifs ? Sont-ils coupables de na pas connaître l’Histoire, toute l’Histoire de leur pays ? Non.Parce que avant de demander aux petits Algériens ou tout simplement aux citoyens de demain de connaître leur passé, il faut que ceux qui ont la charge de les former soient capables de leur dire la vérité. Toute la vérité. Et il se trouve que pendant des décennies, l’Histoire de ce pays a été occultée. Elle est parfois même falsifiée au profit de considérations occultes.
Exemple : les martyrs de la cause nationale morts avant 1954 (Belouizdad et Chaal Bouzid en sont l’illustration parfaite) n’ont absolument aucun statut. Pire, certains d’entre les grands militants du mouvement national assassinés dans des conditions non encore élucidées, n’ont jamais été réhabilités. Que dire de l’ostracisme qui a frappé, pendant des décennies, le nom de celui qui a signé l’indépendance de l’Algérie, Krim Belkacem, ou de celui qui a organisé, avec Ben M’hidi, le Congrès de la Soummam, Abane Ramdane en l’occurrence.
Il est vrai que ces derniers ont été réhabilités, au même titre que Messali Hadj, par le président Bouteflika en 2000. Mais cela reste largement insuffisant. Il est, par exemple, abominable de savoir que l’Algérie indépendante a osé le sacrilège d’ôter le nom d’Henri Maillot du fronton de l’hôpital de Bab El Oued, quand bien même ce dernier est remplacé par le nom d’un autre personnage illustre de la révolution, Mohamed-Lamine Debaghine. La liste est malheureusement longue.
A cela il faut ajouter une autre offense : pendant des décennies -et ce n’est pas encore fini- on a tenté d’occulter des périodes de l’Histoire de ce pays. Celle d’avant l’arrivée de l’Islam, bien entendu, mais également celles qui l’ont suivies, puisque au lieu d’une histoire savante, on a enseigné aux enfants une Histoire officielle, politique et parfois sectaire. Preuve en est que la période turque est souvent survolée dans les manuels scolaires et la régence ottomane reste une énigme pour beaucoup de compatriotes.
Mais en réalité, cette occultation, ou plutôt le mauvais enseignement de l’Histoire est le résultat de l’appropriation de la mémoire du peuple par le pouvoir politique. Parce qu’il est facile de demander des comptes à l’ancien colonisateur -qui doit en donner d’ailleurs- que de faire une autocritique et de dire aux Algériens ce qui s’est vraiment passé à un moment ou à un autre de leur Histoire. Au meilleur des cas, il faut laisser les historiens travailler. Car, eux seuls peuvent dire ce qui s’était vraiment passé. A ce moment-là, l’Algérien se sera déjà réconcilié avec son Histoire.
Par Ali Boukhlef
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