C’est un citoyen d’Alger qui nous raconte sa tentative d’escapade touristique en ce 1er novembre ensoleillé. Déjà que, réveillé par les détonations de minuit, il ne comprenait toujours pas pourquoi, en cette époque de crise et d’économie de devises, le feu d’artifice se prolongeait si longtemps après les traditionnels coups de canon.
Il s’est donc promis, lui qui n’était l’invité d’aucune cérémonie, de se rattraper par un repos champêtre bien loin du tumulte de la ville. Mal lui en prit. Son itinéraire l’obligeait à traverser la fameuse rue Didouche-Mourad qui abritait, apprend-il sur-le-champ, un marathon. Cette artère, à l’abandon urbanistique, continue en effet à concentrer toutes les initiatives officielles. Engouffré dans la rue Debussy, il se retrouva pris au piège : une barrière à chaque perpendiculaire maintenait tous les automobilistes qui ont eu la mauvaise idée d’emprunter une rue adjacente à la rue Didouche tant convoitée. Notre citoyen, en guise de déjeuner champêtre, passe une bonne partie de sa matinée, ainsi pris comme un rat dans son véhicule, à essayer de deviner combien peut durer un marathon.
Il fallait à “l’organisateur” de ce marathon une dose de mépris pour ses concitoyens pour prévoir, à la place des déviations qui s’imposent en pareille circonstance, le long de rues entières, de véritables cul-de-sac où les véhicules ne pouvaient ni avancer ni reculer… jusqu’à la fin de la manifestation ! Ou alors, il lui fallait vouloir les punir d’avoir eu envie de se déplacer par un jour où il n’y a d’activité qu’officielle.
Quand après près d’une heure et demie d’immobilisation forcée, le projet de promenade abandonné et tout fantasme bucolique ravalé, il fut “libéré”, il se retrouva dans un circuit balisé qui lui fit remonter le boulevard Mohamed V, reprendre une seconde fois Didouche, mettre le cap sur la place du 1er-Mai. Mal lui en prit, une seconde fois. Le marathon s’était… déplacé. Le calvaire aussi. Il continua et fit son possible pour éviter les alentours du palais du Peuple et rentrer chez lui. Sa demi-journée fut ainsi régie par “l’organisation”.
Ainsi va l’organisation des activités officielles : un petit espace fonctionnel au prix d’une pagaille générale tout autour. Si les chefs constatent que les espaces où ils doivent évoluer sont bien balisés, sécurisés et dégagés, qu’importe la gêne du citoyen ! Par endroits, on ne prend même pas la peine de le refouler ; on le retient, là, bloqué dans son véhicule sans le moindre souci de ce que cela peut coûter en désagréments, à lui ou à ses enfants.
Il y a comme un paradoxe significatif dans le fait d’imposer un cadre aussi invivable dans la capitale, le jour même de la célébration de la quête de liberté. Cela dénote l’état d’esprit de celui qui a le pouvoir de régir le déplacement dans la ville : dans sa conception, le citoyen n’est pas une variable déterminante ; il n’est là que pour subir.
Au matin du 1er novembre 2009, au large d’Oran, sur le pont d’un bateau de fortune, au milieu d’une vingtaine de jeunes concitoyens, un homme de cinquante-huit ans, né donc avant novembre 1954, était appréhendé alors qu’il tentait de fuir clandestinement le pays ! Bien sûr, “l’organisateur” ne comprendra pas le lien entre l’escapade ratée de l’Algérois et la fugue interrompue de l’Oranais.
Par : Mustapha Hammouche
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