mercredi 14 septembre 2011

Les masques sont tombés

“La charia islamique” sera le socle de leur législation et de leur Constitution. Un slogan déjà entendu ailleurs (l’ex-FIS en a fait un programme politique en Algérie) et qui doit faire méditer l’ONU et les puissances occidentales sur le chèque en blanc politique signé en faveur du CNT.

Ça y est. C’est dit. “L’islam sera la principale source de législation en Libye.” Cette annonce du CNT confirme les craintes de la communauté internationale sur le devenir démocratique d’une Libye qui bascule en émirat.
Le CNT a choisi son modèle et on hésite encore à choisir entre l’Afghanistan ou le Pakistan. Ce qui est pour les plus lucides, la même chose. Après avoir été présentés comme l’alternative démocratique à Kadhafi, une sorte de “combattants de la liberté” version maghrébine, les nouveaux dirigeants libyens sont revenus, tranquillement, au projet de société qu’ils préparaient et qu’ils ont proposé aux Libyens. “La charia islamique” sera le socle de leur législation et de leur Constitution. Un slogan déjà entendu ailleurs (l’ex-FIS en a fait un programme politique en Algérie) et qui doit faire méditer l’ONU et les puissances occidentales sur le chèque en blanc politique signé en faveur du CNT.

C’est Moustapha Abouljalil, ex-ministre de la Justice de Kadhafi et ancien signataire des billets d’écrou des opposants libyens qui l’a annoncé. Abouljalil qui, pour ceux qui ne connaissent pas, est un habitué des rapports d’Amnesty International sur les cas de torture en Libye. Cette annonce est une confirmation. Pour les libertés, individuelles ou collectives, pour le statut de la femme libyenne ou pour le respect des droits de l’Homme, il faudra dorénavant contacter BHL dans son arrondissement chic de Paris. À force d’avoir survendu le CNT au président Sarkozy ou à Israël, c’est Paris qui se retrouve piégé avec la pire équation géopolitique qui soit. Un État islamique à 3 heures de vol de Paris. Ce qui contredit la doctrine diplomatique française au Maghreb depuis l’avènement de la droite française au pouvoir.

Que faire maintenant que les masques sont tombés ? Ben, il faut assumer les conséquences. Bombardé de critiques, Alger avait prévenu les plus téméraires de la véritable nature du nouveau pouvoir libyen. Paris a beau minimisé le flux des armes, la force d’Aqmi au Sahel ou les dérives racistes du CNT contre les Touareg et les noirs de Libye, rien n’y fait. L’obsession libyenne de l’Élysée a accouché d’un monstre qui va s’émanciper doucement de la tutelle occidentale. L’ONU commence à s’en convaincre en invoquant le fait que “la nouvelle Constitution libyenne ne respecte pas les changements modernes”. Washington aussi réalise le bourbier islamiste qui est en train de s’agrandir en se disant : “Ému du sort des migrants et réfugiés d'Afrique noire en Libye.”

Voilà, maintenant, que le CNT a annoncé la couleur, il n’y a qu’à trouver où mettre les concepts de démocratie, des libertés et de laïcité dans un dépôt de Tripoli sous la surveillance zélée d’Abdelkader Benhaj, le qaidiste du CNT. Car, c’est la Libye qui va traverser une époque d’obscurantisme terrible. Mais à l’Otan, où on sait relativiser, on doit penser comme l’a écrit un internaute français : “Qu'il soit islamique, démocratique, laïc, totalitaire, le pétrole a le même pouvoir de combustion pour faire avancer nos bagnoles.”

Mounir Boudjema

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