Rentrée laborieuse, mais rentrée en couleurs. Chaque secteur fait, à sa manière, semblant de reprendre un boulot qu’il conduit à sa manière. Déjà qu’avant de partir en vacances, ce n’était nulle part la frénésie.
Seuls les harragas en partance pour la mort ou l’Europe et les joueurs de l’équipe nationale venus d’Europe n’ont pas pris de vacances et continuent à être à la peine. La rentrée institutionnelle a été expéditive. Une session de quelques jours pour exécuter les tâches urgentes de la nation — légaliser les quelques ordonnances d’été, dont la loi de finances complémentaire — puis s’en va.
Les députés et sénateurs pourront repartir réjouis du devoir accompli, repasser en décembre pour voter la loi de finances pour 2010. La vie politique, à peine audible, ne s’entend pas plus à la rentrée que pendant les vacances : on est dix à revendiquer la mise au musée du sigle FLN, quinze à commémorer le 5 Octobre, quelques chats à commenter la loi de finances.
La rentrée sécuritaire nous tient en haleine : on attend Belmokhtar, “émir” hors échelle, qui nous revient de grands massacres et du Grand-Sud. Ce suspense infini correspond bien à l’esprit de la réconciliation nationale, inépuisable ressource de patience qui permet aux terroristes de prendre tout leur temps.
La rentrée économique, elle, est prometteuse d’à peine 2,6% de croissance, selon le FMI. Le ministre des Finances “table”, selon des confrères, sur 4,6%. On ignore ce que le ministre a “tablé”, mais le pays a déjà parié 100, puis 150 milliards de dollars de “programmes de soutien” pour une croissance de niveau invariablement médiocre.
L’agriculture communique sur ses projets pour couvrir les bruits qui courent sur les torts infligés aux budgets du PNDRA. Comme si de rien n’était. À peine la rentrée… judiciaire de la pêche nous rappelle-t-elle que l’immunité n’est pas encore générale.
Mais la palme de la rentrée la plus remarquable revient indéniablement à l’Université. Les élèves du primaire et secondaire ont déjà changé de week-end, et plusieurs fois de tabliers, et leurs enseignants ont fait une grève, mais les étudiants du supérieur sont toujours en vacances. Depuis le… 6 mai, pour ceux d’Alger et sa région, pour cause de Festival panafricain !
Harraoubia a bien exposé ses motifs du retard à l’intention des vigiles du rituel : “Pas question d’enseigner le vendredi et pas de rentrée avant l’Aïd.” Nous avons dépassé l’Aïd de trois semaines et quatre mois — cinq mois, pour Alger — après le début des vacances, bien malin qui nous dira qui, parmi les étudiants et leurs enseignants, est rentré.
Ici, on ouvre la porte aux “premières années”, là aux “fins de cycle” (polytechnique) et là-bas (institut de planification), on demande aux étudiants de revenir “pas avant la fin du mois”.
Même à Boumerdès, où l’on s’occupe sérieusement de déloger, à coups de barres de fer, les garçons qui croient encore à la mixité, la rentrée se fait attendre. L’assainissent moral d’abord, les études ensuite.
Quand la rentrée universitaire sera totale, il restera peut-être moins de deux mois pour clôturer le premier semestre et entrer en vacances d’hiver. Pas même le temps d’une grève du Cnes ! Mais faute d’avoir inondé notre jeunesse de savoir, l’Université aura eu une rentrée conforme à la charia.
Par : Mustapha Hammouche
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