Le règne de la médiocrité continue de sévir. Il vient encore de se signaler avec le décès de cette grande figure qu’était le professeur Hadj Moulay Belhamissi. L’écriture de notre histoire est un besoin qui se fait de plus en plus pressant. Le discours politique l’affirme et le réaffirme. Des générations en ont été privées. Le résultat est catastrophique. Le règne de la médiocrité continue de sévir.
Il vient encore de se signaler avec le décès de cette grande figure qu’était le professeur Hadj Moulay Belhamissi. Un historien qui a passé sa vie à remonter le temps, à chercher inlassablement dans notre passé. Pour nous aider à affronter le présent et construire l’avenir. Son travail colossal a laissé de marbre «l’intelligentsia» de notre pays. Elle a détourné la tête à l’annonce du décès, cette semaine, de cet homme de savoir qui a été enterré dans «la stricte intimité familiale». Rien ou pas grand-chose dans les médias publics et privés.
Rien du côté des officiels non plus. Pourquoi? A l’évidence, il ne faisait partie d’aucun réseau pour porter haut son mérite et ses valeurs. Et pour cause, tout son travail a consisté à chercher la vérité historique. Une vérité qui ne va pas du tout dans le sens de tous ceux qui profitent de la médiocrité ambiante pour faire passer «leur vérité historique». Une vérité qui sert plus les intérêts de la nation que ceux de ses ennemis. Car des ennemis, il y en a eu et il y en aura encore. Le professeur Belhamissi a eu ce rare courage de le dire dans son ouvrage Alger, l’Europe et la guerre secrète paru en 1999 aux Editions Dahlab.
Ne cherchez pas dans la bibliographie qui a été publiée à l’annonce de son décès, vous ne trouverez point le titre. Pourquoi? La réponse se trouve probablement dans la présentation qu’il fait de son livre, inscrite au verso de la couverture où il précise que du XVIe au XIXe siècle, l’usage de la force contre notre pays n’ayant rien donné, «on eut alors recours à une guerre d’un autre genre: la guerre froide, la guerre psychologique, l’action dans l’ombre».
Et d’ajouter: «La conception, l’organisation de ´´cette guerre´´, les acteurs, leurs plans... font l’objet de cette étude afin de dévoiler les prétentions - d’hier comme d’aujourd’hui - de déstabiliser un pays (l’Algérie Ndlr) qui ne ´´pliait pas.´´» Notez cette précision «d’hier comme d’aujourd’hui» pour comprendre l’importance cruciale, pour tous les Algériens, que revêt un tel ouvrage. Pour comprendre aussi son retrait par des mains occultes de la bibliographie «publiable».
Pour nous comme pour la majorité silencieuse de ce pays (qui gagnerait à se structurer pour faire entendre sa voix), le professeur Belhamissi demeurera toujours une grande référence intellectuelle. Qu’on ait réussi jusque-là à étouffer son travail ne veut en rien dire que celui-ci a été vain. Le règne de la médiocrité disparaîtra. Cette année, plus d’un million d’étudiants sont enregistrés dans les différentes universités du pays.
Dans quatre ans, ce chiffre aura doublé. Ce sera autant d’Algériens «trempés» dans le savoir et l’intelligence qui rouvriront les livres du professeur Belhamissi et de tous les intellectuels qui, comme lui, ont été jetés dans les oubliettes. Nous pensons au professeur Mahfoud Kaddache mort récemment. Nous pensons aussi au grand penseur Malek Bennabi. Nous pensons également à Malek Haddad. Et à tant d’autres érudits dont le seul «tort» est de s’être exprimés en langue française. Une seule langue qui était enseignée à leur époque, celle de la colonisation.
Un «tort» qui fait l’affaire de beaucoup qui sont à l’origine de l’amalgame entretenu entre le moyen d’expression et la pensée. Des nostalgiques de l’Algérie de papa jusqu’aux autochtones dont la science est plus que rudimentaire mais qui a «l’avantage» de leur avoir été dispensée en langue arabe. C’est là que les intérêts opposés se rejoignent.
Reposez en paix professeur Belhamissi. Reposez en paix vous tous qui, comme lui, avaient été étouffés. La valeur de vos travaux est incontestable. Les générations futures sauront la réhabiliter. Ce qui les aidera à construire une Algérie forte qui «ne plie jamais».
Zouhir MEBARKI
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire