On les retrouve dans les écrits de la presse nationale, on les entend dans la bouche de l'algérien lambda ou dans l'argumentaire du désespoir des politiques.
Les commentaires sur l'âge des harraga interceptés par les services de sécurité, morts en haute mer ou parvenus sur d'autres rives ont quelque chose de troublant.
D'abord ce paradoxe qui veut qu'on ne sache pas très bien si le niveau d'émotion doit être supérieur quand un candidat à la périlleuse traversée est un adolescent de quinze ans ou quand il en a soixante ou, encore plus rarement, quand il s'agit d'un homme ou d'une femme.
Il y a quelques mois, l'opinion bien-pensante étalait toute son indignation en découvrant, «médusée», que parmi les passagers d'une embarcation arraisonnée au large des côtes est figurait une jeune fille qui, suprême horreur, était une étudiante en post-graduation.
On ne sait toujours pas qui de son statut social ou de son sexe a pu élever ainsi le degré de l'horreur, mais on sait que les deux ne peuvent logiquement pas empêcher un algérien en mal de perspective d'affronter les dents de la mer. Une autre fois encore, c'est au tour d'un sexagénaire de soulever le tollé.
Ailleurs, on les appelle les «seniors». Trop vieux pour se faire – ou se refaire – une vie, trop jeunes pour tomber dans les bras de la résignation, les femmes et les hommes de cet âge ont leurs détresses. Mais voilà, ils peuvent encore rêver.
D'une résurrection toujours possible, d'un travail qui donne une ultime chance ou, pourquoi pas, d'un autre pan de ciel qui donne enfin un sens à la vie.
Quand le désarroi social et moral parvient à une certaine ampleur, il ne peut logiquement épargner quelque strate de la société.
Cette fois-ci, c'est un adolescent de quinze ans qui a embué les yeux des pleureuses assermentées. Il faudra bien sûr que la lumière soit faite sur les conditions exactes dans lesquelles un garçon de cet âge s'est engouffré dans cette aventure.
Mais en attendant, qu'est-ce qui l'en aurait empêché ? Après tout, c'est à cet âge-là qu'on commence à vouloir «faire comme les grands» et dans l'entourage de ce môme, la harga doit être le nec le plus ultra pour «faire ses preuves».
Et quand on sait que la traversée est aussi – à moins que ce ne soit surtout – un business qui a ses caïds, ses démarcheurs et ses exécutants, ils ne vont quand même pas s'embarrasser de scrupules d'âge pour convaincre leur clientèle.
La harga a ses vraies raisons, ses vraies questions et ses vraies remèdes. Loin de l'âge, du sexe, du statut et peut-être bien de… la mer.
Slimane Laouari
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