Six semaines d'âpres négociations ne suffiront sûrement pas à effacer d'un coup d'éponge un conflit qui a duré un siècle. Mais il y a un début à tout. Turcs et Arméniens ont réussi tout de même à signer en Suisse un accord historique, prélude à la future réconciliation entre les deux peuples.
Sauf qu'à Zurich, tout ne s'est déroulé comme prévu. Pis, tout a failli capoter à la dernière minute. Signes que les tensions vont persister encore ? Trop tôt pour se prononcer en ce sens mais ce qui est certain c'est que la cérémonie de signature de cet accord a été retardée de trois heures. Quoique aucun nationaliste des deux pays ne s'est aventuré à jouer au trouble-fête ou s'est essayé au lancer de chaussures.
Le retard a été le fait d'un différend entre les deux délégations au moment de la formulation des déclarations des deux parties. Finalement, elles ne seront pas lues en public.
Aux yeux des Suisses et des Américains, parrains de ce rapprochement prudent, l'essentiel a été fait. Sinon arraché. Compte peu la manière. Seul l'accord, qui doit déboucher sur le rétablissement des relations diplomatiques et la réouverture à terme des frontières, est important.
Ce n'est pas tous les jours que la diplomatie américaine réussit d'aussi jolis coups. Pour avoir sauvé l'accord d'une dérive certaine, Hillary Clinton a même eu droit aux chaleureuses félicitations du président Obama. Avec un pareil succès, il tient de quoi être un peu plus fier de son prix Nobel de la paix, une distinction qui n'échappera pas de sitôt au feu de la critique.
Ses détracteurs peuvent continuer de se moquer de son «bronzage» ou de son Nobel de la paix, sa diplomatie a réalisé ce qui était jugé impossible jusque-là. Un vrai coup de maître.
Tenter la normalisation des relations entre Ankara et Erevan après un siècle d'affrontements reviendrait à croire au miracle. Même s'il n'a pas eu lieu réellement à Zurich, l'histoire retiendra ce grand pas en avant que Turcs et Arméniens ont mesuré ensemble sur le chemin de la réconciliation.
Iront-ils jusqu'au bout, les nationalistes turcs et arméniens ne vont pas s'avouer vaincus du jour au lendemain, les uns réclamant la fin de l'occupation arménienne en Azerbaïdjan, les autres exigeant la reconnaissance du génocide commis par l'empire ottoman ?
Les gouvernements d'Ankara et d'Erevan déclarent d'une même voix qu'il n'y a pas d'alternative à la réconciliation dont chacun espère tirer profit. Pauvre et enclavée, l'Arménie ne peut plus se passer du marché turc alors que la Turquie souhaite toujours devenir membre à part entière de l'Union européenne. Bien que ces temps-ci, l'heure n'est pas à la négociation.
L'Europe des Vingt-sept est sur cale en raison du blocage tchèque, le président Vaclav Klaus refuse toujours de ratifier le traité de Lisbonne.
Cela n'est pas de nature à décourager l'administration d'Ankara qui semble prête à «faire la paix» avec sa voisine arménienne. Une paix par la voie de laquelle l'Amérique d'Obama espère réduire les tensions dans le Caucase, couloir d'approvisionnement énergétique pour l'Occident. La réconciliation sert aussi à cela.
Par Anis Djaad
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