En décernant sa palme à Obama, le comité du prix Nobel de la paix s’est visiblement appuyé sur des intentions et des décisions symboliques.
Mais pour un président des États-Unis qui a encore plus de trois ans, et peut-être plus de sept ans, pour confirmer, ce Nobel vient trop tôt pour constituer une récompense. Les points qu’il a marqués demandent à être transformés.
Ses discours, notamment celui du 15 mars à Philadelphie, et celui prononcé à son investiture, feront sûrement date. Celui du Caire est, lui aussi, classé parmi ses déclarations inaugurales d’un monde nouveau. Pourtant, cette allocution a constitué le révélateur des limites du dessein d’Obama pour un monde apaisé.
On y constate simplement qu’Obama n’a pas tiré la leçon des erreurs de ses prédécesseurs dans l’approche de la réalité de cette partie du monde. Abordant une sphère géopolitique complexe en entité identitaire, il s’est condamné à délivrer, au lieu d’un discours politique, un message sentimental. Il s’est interdit de saisir la problématique politique qui y entrave la paix.
D’ailleurs, convenant de fait, et à juste titre, avec Bush que le meilleur moyen de se défendre du terrorisme c’est de l’attaquer, il se retrouve contraint de continuer la guerre d’Afghanistan jusqu’à son terme. Il le fera, aussi gêné qu’il le soit par la fatalité despotique qui semble étouffer ce monde musulman. La récente fraude électorale commise par Karzaï en constitue une fâcheuse illustration. Peut-on combattre les dérives subversives sous l’égide de régimes qui méprisent la volonté de leurs compatriotes et qui se dispensent de toute légitimité populaire ?
Quel système l’Amérique laissera-t-elle derrière elle en Irak ? Bush, dont on ne sait s’il est venu y combattre le terrorisme ou y déposer un régime dictatorial, laisse à son successeur le soin de répondre à la finalité même de cette guerre. Il lui sera plus facile de la clore que de lui donner, a posteriori, un sens.
Sûr que les intérêts de l’Amérique continueront à être défendus, sous Obama comme sous ses prédécesseurs, avec le pragmatisme caractéristique du département d’État, ici comme ailleurs. Obama ne l’a pas rappelé au Caire, mais cela tombe sous le sens. Qu’a-t-il alors apporté de nouveau, sinon la confusion dans l’appréciation de la politique américaine envers “le monde musulman” ? Faute d’avoir précisé la cible de son discours, le vocable “monde musulman” assimile Ben Laden à ses victimes musulmanes, nombreuses, et nos rois et présidents despotes à leurs opposants réprimés.
Le principe de primauté de l’intérêt sur les valeurs qui guide la realpolitik des puissances est à l’origine du retard politique du tiers, en général, et du monde arabo-musulman, en particulier. Et Obama, en s’adressant à un “monde musulman” politiquement désincarné, a préféré, lui aussi, ne pas lâcher la proie des intérêts pour l’ombre du progrès politique. Sans rupture dans cette hiérarchie infernale, aucune puissance ne peut contribuer à l’évolution de cet espace. Ni à sa stabilité. Au contraire, les régimes et les avatars à l’origine de la dynamique de régression sont consolidés.
Car cela se vérifie dans toutes les régions du monde, aujourd’hui c’est le progrès de la démocratie qui fait le progrès de la paix.
Au vu du discours du Caire, et des suites qu’il semble lui donner, ce ne sera pas de ce côté-là qu’Obama confirmera son mérite.
Par : Mustapha Hammouche
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