mercredi 30 septembre 2009

Peur sur la ville

Il a encore plu sur Alger. Le moment a été court, mais le ciel suffisamment généreux pour que les grandes paniques soient reconvoquées. Les images d'apocalypse commencent toujours ainsi. Plus personne ne s'occupe de l'autre et ceux qui sont censés s'occuper de tout le monde commencent à abandonner le terrain.

Bousculade générale où chacun se résigne au sauve-qui-peut. Par des réflexes de survie dictés par le bon sens, souvent, et par le geste dérisoire parfois. Il n'y a pas plus dangereux que quelqu'un qui a peur, et la peur a encore pris Alger à la gorge.

On tente n'importe quoi sans vraiment en mesurer les conséquences. L'élan de solidarité peut épouser les contours de danger public et le geste dérisoire se faire apprécier comme planche de salut. Alger en ce lundi soir fait du pare-chocs contre pare-chocs à des heures indues parce que habituellement clémentes.

Des regards se croisent à travers les vitres pour partager une angoisse inattendue. L'échange de propos est rare, mais unanime à évacuer la responsabilité du ciel. Il n'y est quand même pas pour grand-chose pour une fois.

Il ne l'a peut-être jamais été. Ni dans nos drames passés ni dans nos peurs présentes. Seulement, il semble qu'on l'a définitivement compris. Depuis Bab El Oued, désormais repère de la négligence criminelle, on sait d'où vient le vent de la mort stupide.

On sait que le ciel n'est pas si généreux au-dessus de nos têtes pour nous pousser à la résignation. Quelques gouttes automnales ont suffi pour que l'enfer soit de retour. Qu'est-ce qui a été fait depuis la fin du monde tombée sur Triolet ? Quelques replâtrages pour contenir la colère, en attendant une autre tragédie. E
t elle a sonné encore lundi soir.

Y a-t-il de petites tragédies quand le ciel n'y est pour rien ? Non. Les images d'apocalypse étaient encore là. «Le grand embouteillage» en ciné-réalité, l'imagination de Comencini, la vista de Mastroianni et le charme de Miou Miou en moins. Seule l'angoisse de ne jamais arriver a été empruntée au chef-d'œuvre italien. La route est abandonnée par des agents de l'ordre dépassés et en proie à leur propre panique.

Concert de klaxons inutiles et demi-tours impossibles, crises de nerfs vite ravalées dans la compassion du destin commun. Une femme pleure au téléphone, les bras et la tête réunis dans une posture d'impuissance sur le volant de son véhicule. Comment, bon Dieu, rejoindre son domicile quand il pleut sur Alger ?

On tente des raccourcis qui n'existent que dans l'imagination fertilisée par la peur et des déviations d'avance vouées à l'impasse. C'est désespérant qu'il n'y ait pas de réponse à une question si simple. Aussi simple que la pluie. Le beau temps, c'est quand même un peu plus compliqué, puisqu'il ne provoque encore aucune panique et on se demande toujours pourquoi.

Slimane Laouari

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