situé au Zamalek (exactement à la rue Brasil), quartier réputé, tout au moins au passé, pour être le “Hydra” de la capitale égyptienne, la “maison DZ” paraissait bien vide.
Mis à part les employés et les diplomates rencontrés dans la grande villa, nous n’avions pas rencontré d’autres “catégories”. Ce n’était finalement qu’une question de “porte”. Pour voir du “mouvement”, il fallait faire le tour de la villa pour rentrer au consulat qui se trouve au sous-sol de l’ambassade. Sur place, il y avait beaucoup d’animation avec des employés qui speed, des bureaux avec des tonnes de paperasse. La bureaucratie nous suit même au pied des pyramides. “Rien à voir avec le match Égypte-Algérie” du 14 novembre, comme nous le dira un des employés. “Pour le moment, nous n’avons rien de précis sur les billets d’entrée que nous devons recevoir dans le cadre du quota algérien. On nous a dit qu’on en aura 2 000, mais c’est le flou total, et donc il n’y a aucune activité dans ce sens jusqu’à nouvel ordre”.
Les étudiants entre déception et enthousiasme
Dans le hall, une dizaine de personnes attendaient patiemment qu’on les appelle. La plupart sont des jeunes étudiants. Mohamed-Lamine, 23 ans, et Zakaria, 24 ans, ne sont en Égypte que depuis un mois et ils se sont inscrits dans la même université, celle d’Alexandrie pour des études en droit. C’est avec leurs propres moyens qu’ils se sont retrouvés ici. “Pour parfaire ma formation et être au plus près des ténors des sciences humaines qui se trouvent au Caire”, nous dira en premier Zakaria qui ne cachera pas son enthousiasme également. “Je suis plus que motivé pour avancer dans mes études, et ce que j’ai trouvé jusqu’à maintenant ici me satisfait malgré les petits problèmes qui sont tout à fait normaux”.
D’ailleurs, les deux ne tariront pas d’éloges sur les membres de l’ambassade. “Nous étions pourtant isolés dans une salle et personne n’écoutait ce qu’on se disait”, en soulignant presque à l’unisson : “On nous a facilité la tâche au maximum depuis le début, et c’est une grande surprise pour nous. Si seulement notre administration au bled faisait la même chose, ce serait vraiment extra.” Les deux jeunes étaient également d’accord sur l’accueil chaleureux des Égyptiens depuis leur arrivée. Ce tableau idyllique, assez surprenant au passage, s’est un peu estompé en discutant avec Salaheddine. Âgé de 28 ans, il était beaucoup moins enthousiaste que les autres. “Je viens de terminer mes études à l’Institut de recherches et d’études arabes relevant de la Ligue arabe après quatre années de dur labeur, et je vais quitter l’Égypte dès jeudi prochain, sans regret ; je ne crois pas que je reviendrai un jour.”
En revenant sur les péripéties qu’il a vécues lui et des centaines d’autres étudiants, issus du même institut, concernant les nombreuses actions de protestation ces derniers mois devant l’ambassade ou même devant le ministère de l’Enseignement supérieur à Alger, pour protester contre le refus du ministère algérien de reconnaître leurs diplômes, il déclare que “je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi ils nous posent tellement de problèmes. Nous avons choisi les études et non el-harga et nous n’avons rien demandé. C’est avec notre débrouillardise que nous avons étudié ici, sans bourse ni aide, et voilà qu’ils ne se souviennent de nous que pour nous poser des problèmes”.
Avant de quitter l’ambassade, il n’oubliera pas de nous lancer avec le sourire. “Je suis impatient de rentrer au pays”. Mohamed-Lamine et Zakaria ne voulaient pas, de leur côté, nous “lâcher” sans parler du fameux match du 14 novembre. “Nous y serons inch Allah. Nous sommes déterminés à y aller et on n’attend que les billets et d’ailleurs plusieurs d’entre nous autres étudiants sommes en train de mettre les maillots de Ziani ou de Bouguerra en allant aux cours pour montrer que nous sommes tout aussi chauvins qu’eux (les Égyptiens, ndlr)”.
Ils ont tenu tout de même à préciser que pour le match, ils n’ont pas eu de problème avec les Égyptiens. “Jusqu’à maintenant, on ne fait que rigoler autour des pronostics avec eux, même si l’on sent que la pression monte de plus en plus chez eux ; d’ailleurs à chaque fois, ils nous répètent le même conseil : ne venez surtout pas au stade ! Mais cela ne nous fait pas peur évidement”.
La majorité aux algériennes
Cependant, les Algériens d’Égypte ne sont pas que des étudiants. Si on les estime à 5 000 environ, “ils font tous des allers et retours réguliers et c’est pourquoi on ne les considère pas vraiment dans nos statistiques ici”, nous indiquera un des diplomates algériens. “Il y a environ 2 000 résidents en Égypte et la plupart sont des femmes qui se sont mariées avec des Égyptiens”. Une majorité qui s’explique, selon les Algériens, par le fait qu’elles font connaissance avec leur mari en Algérie même. “Ce sont essentiellement les expatriés égyptiens qui travaillent chez nous et qui reviennent à chaque fois avec une femme dans leurs bagages, et comme nous avons beaucoup d’Égyptiens…”
Cependant, la situation est souvent “tachée” pour nos concitoyennes, comme nous le racontera un des Algériens rencontré au consulat. “En Algérie, elles sont au début ébahies par le niveau de vie de l’Égyptien dont elle tombe amoureuse avec tous les avantages qu’ils ont sur leur lieu de travail, mais dès quelles viennent en Égypte, c’est la déception totale. J’ai vu très souvent des Algériennes rentrer ici pour faire les démarches de divorce et rentrer au pays.”
Le menuisier copte du GPRA
Autre lieu DZ au Caire. Le Centre culturel algérien se trouvant à la rue Bank-Misr, au centre de la ville. C’est sur place que se rencontrent souvent les Algériens, essentiellement les étudiants, surtout pendant le Ramadhan pour passer leurs soirées ou encore pour le f’tour.
Personne sur les lieux. On nous indique le local d’un certain ammi Ïwade, menuisier du côté du quartier de Kasr El-Nil, qui connaîtrait bien la “maison” depuis plus d’une quarantaine d’années. Sur place, nous l’avons retrouvé en train de discuter avec un autre vieux autour d’un thé. Dès que nous lui avons dit que nous sommes venus d’Algérie, il s’est mis debout et a accouru vers nous prenant dans ses bras en criant presque : “Al-Gazaïr balade chouhada wa rigala (l’Algérie, pays des martyrs et des hommes, ndlr)”. Édenté et ayant beaucoup de mal à entendre, ce copte, qui doit avoir dépassé les 70 ans, nous invita à nous asseoir dans son atelier où il y avait sur un mur un grand tableau de la Vierge Marie ; il nous raconta ses relations avec les Algériens. “Je vous ai toujours admirés vous les Algériens avant même votre indépendance. Là où se trouve actuellement votre centre culturel il y avait en 1961 ou 1962 le siège de votre gouvernement provisoire, et un jour un des responsables du gouvernement est venu me voir pour faire une commande de tables et de chaises. J’ai accepté évidemment, mais j’ai tout de même demandé un contrat pour que je puisse être sûr d’être payé, ce qui est une démarche naturelle. La réponse de cet officiel m’a plus que surpris, et je ne l’ai jamais oublié. Il m’avait dit que chez lui, la parole valait tous les millions de contrats qui puissent exister et que je serai payé rubis sur l’ongle. Il a tenu parole et je lui ai fait un excellent travail.” Il faut aussi préciser que mis à part l’ambassade et le Centre culturel algérien (uniquement pendant le Ramadhan), il n’y a pas d’endroits spécifiques où se regroupent les Algériens au Caire. Les étudiants sont ainsi éparpillés dans plusieurs quartiers de la ville de plus de 17 millions d’habitants. Chacun selon ses moyens financiers en louant des appartements souvent en colocation dont le prix varie du double au triple selon le quartier. Tous doivent néanmoins s’acclimater avec le rendez-vous du 14 novembre. Il suffit qu’un Égyptien sache que vous êtes algérien pour que lui, et tous ceux qui sont à ses côtés, disent en chœur : “Ha nikssabkoum yawme (on vous battra) le 14 prochain”.
Par : Salim Koudil
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire