Dans leur lutte contre les pièces de rechange automobile contrefaites, les autorités algériennes ne doivent pas se faire d’illusion.
C’est une solution mais pas la solution. Depuis lundi dernier, les importateurs de pièces de rechange automobile sont soumis par le gouvernement algérien à une nouvelle réglementation. Désormais, ils doivent présenter un certificat d’homologation signé par les constructeurs pour prouver que l’usine qui fabrique ces pièces répond aux normes édictées par la maison mère. La mesure vise essentiellement à réduire le nombre effarant d’accidents de la route que connaît notre pays.
Elle devrait normalement être applaudie par les concessionnaires des marques automobiles qui se voient encouragés à développer leur service après-vente qui est une manne non négligeable. Même si l’industrie automobile n’est ni celle de l’informatique qui mise plus sur ses consommables ni celle des cosmétiques dont l’image de marque est le principal vecteur de son développement. En effet, l’industrie automobile s’entoure d’équipementiers, c’est-à-dire de sous-traitants, pour l’essentiel des pièces composant un véhicule. Ce qui veut dire que la contrefaçon n’a pas pour eux les mêmes incidences économiques que les autres secteurs industriels cités plus haut.
Outre cet aspect purement économique, pourquoi la nouvelle réglementation n’est qu’une solution mais pas l’unique pour réduire l’hécatombe sur nos routes? Pour plusieurs raisons. La première est qu’il n’est pas certain que l’industrie automobile joue le jeu de manière rigoureuse dans ce rôle de certification qui induit pour elle des frais supplémentaires de gestion. L’autre raison est qu’il n’est pas sûr que la capacité de production des équipementiers agréés, puisse satisfaire à la fois la demande des constructeurs et celle des importateurs. Et enfin, il y a cette difficulté à apporter la preuve que la cause d’un accident est dûe à une défaillance mécanique.
On le sait, on le dit, une partie non négligeable des accidents de la route ont pour origine une cause mécanique. Quant à le prouver, c’est une tout autre question. Il faut des expertises, des contre-expertises, des laboratoires, etc. On peut y inclure la participation active des sociétés d’assurances qui trouveraient leur compte à retirer leur responsabilité et ne pas rembourser les dommages dans les cas d’accidents liés à des pièces non conformes. Mais alors, ce serait engager le consommateur dans de très longues procédures, laborieuses et décourageantes.
Dans leur lutte contre les pièces de rechange automobile contrefaites, les autorités algériennes ne doivent pas se faire d’illusions. Ils ne pourront compter sur aucun patriotisme économique des importateurs ni sur des considérations sociales et humanitaires de la part des constructeurs dont l’unique credo est le profit.
Dès lors, que reste-t-il à faire pour ne plus enterrer chaque année plus de 4000 personnes qui meurent sur nos routes et, pour un bon nombre d’entre elles, à cause d’une défaillance mécanique? La plus efficace des mesures serait de réorganiser le circuit de distribution des pièces détachées dans notre pays et n’y laisser que les revendeurs agréés par les concessionnaires. Et nous voilà revenus à ce fléau qu’est l’économie informelle. C’est un tout autre débat qui dépasse de loin la portée d’une simple circulaire d’un produit donné. C’est pourquoi la mesure entrée en vigueur lundi dernier n’est pas la solution. Elle aura tout de même l’avantage de compliquer la tâche des fraudeurs mais n’arrivera pas pour autant à les éradiquer.
Il faut savoir que même l’Union européenne avec ses normes draconiennes et les différentes mesures qu’elle a prises pour se protéger, estime encore que 10% des pièces circulant dans son continent sont contrefaites. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille que nous baissions les bras. Non, certainement pas, car un seul mort de moins sur nos routes vaut tous les efforts du monde. Cependant, il ne faut pas nous leurrer et croire avoir réglé le problème avec la décision de lundi dernier. C’est une solution en attendant d’autres. La réflexion sur les moyens de lutte contre la contrefaçon doit se poursuivre. Nous ne sommes pas au bout de nos peines. Sans mauvais jeu de mots.
Zouhir MEBARKI
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