samedi 7 novembre 2009

Le danger vient toujours d’en bas

Rappel. En 1847, la France a pris brutalement pied en Algérie et Alexis de Tocqueville, historien, qualifié encore aujourd’hui de penseur visionnaire, prône la « domination totale » en expliquant qu’il faut « détruire tout ce qui ressemble à une agrégation permanente de population, ou en d’autres termes à une ville ».

Ajoutant sans rire : « Je crois de la plus haute importance de ne laisser subsister ou s’élever aucune ville dans les domaines d’Abd el-Kader. » Par une étrange contorsion de temps et une troublante coïncidence de nom, M. Abdelkader, pas l’historien sauvage mais l’actuel président de la cour de Constantine, explique la marche à suivre à l’occasion de l’ouverture de l’année judiciaire 2010 : « Les attroupements de citoyens doivent être réprimés, même ceux organisés pour réclamer des droits légitimes. »

Un siècle et demi plus tard, tout se passe comme si une poignée d’oligarques, maîtres incontestés du pays, utilisent la force, la loi et la force de la loi pour se serrer les coudes devant la menace permanente que représente une population qui revendique. Réprimant les attroupements, fermant les espaces de libertés, harcelant les syndicats et les journaux indépendants, pendant que dehors, les policiers arrêtent les voitures et passent presque systématiquement à la fouille tout ce qui ressemble à un jeune, déviant la recherche du terroriste vers la traque d’une jeunesse potentiellement dangereuse.

Dans les coulisses du royaume, on concocte des lois liberticides, on alourdit le code pénal tout en maintenant l’état d’urgence, révisant le code communal pour retirer encore de pouvoir au peu qu’il en reste à l’élu, pour maintenir l’ordre établi d’en haut. Que s’est-il passé en un siècle et demi pour que ces mêmes mentalités de domination se soient rejointes ? On ne sait pas vraiment. Pudiquement, les commerçants appellent ça un changement de propriétaire.

Par Chawki Amari

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