La superstar en Égypte actuellement n’est ni Adel Imam ni Leïla Aloui, ni encore Ahmed Hilmi, mais l’Algérien tout court. Il suffit de dévoiler sa nationalité devant un “autochtone” pour se retrouver entouré d’une nuée d’Égyptiens vous dévisageant.
Le regard n’est pas hostile, mais plutôt “questionneur”, avec une touche de réprobation. Les questions fusent de partout : “Pourquoi êtes-vous si haineux à notre encontre ?” “Pourquoi vous faites tout pour nous humilier ?” ou encore “Vous avez dépassé toutes les bornes avec nous, que ce soit lors du match aller ou dans tout ce que vous publiez dans vos journaux”. Ce ne sont là que des exemples des nombreuses interrogations que les Algériens subissent. Cependant, il est très rare que cela dépasse le cadre de la conversation indécente même s’il est quasi impossible de faire changer d’avis des Égyptiens remontés comme des pendules.
Des “charamikhe” promis à l’enfer
Pour eux, les Algériens sont tellement chauvins qu’ils sont prêts à tout faire pour gagner “surtout lorsqu’il s’agit de l’Égypte”. Au fil des jours et des rencontres, les raisons de cet état d’esprit devenaient de plus en plus claires. Évidemment, l’essentiel tourne autour du football. Il ressort en premier lieu ce qui s’est passé au match aller (victoire de l’Algérie par 3 buts à 1) : “Vous avez tout fait pour nous battre.” L’essentiel des remontrances égyptiennes consiste dans le fait d’avoir perturbé le sommeil des joueurs en mettant, la veille du match, la musique à fond devant leur hôtel, utilisé des fumigènes, qu’ils appellent “chamarikhe”, pour aveugler El-Hadri (gardien de but des Pharaons : ndlr), et aussi d’avoir empoisonné les joueurs.
À ces accusations, s’ajoutent ce qui se passe depuis plusieurs semaines par médias interposés. Les photos du “mariage” de Saâdane avec Shehata et celles montrant Aboutrika et ses coéquipiers avec des visages d’actrices égyptiennes, sont considérées comme “une atteinte à l’honneur et à la dignité des Égyptiens”.
“Mieux” encore, l’histoire du maillot de l’équipe égyptienne que des Algériens auraient brûlé a été transformée en une affaire “d’atteinte à la sûreté de l’État”. La vidéo qui a fait le tour de la toile et des chaînes de télévision privées locales s’est transformée dans l’esprit des jeunes Cairotes en la brûlure de dizaines de drapeaux par des milliers d’Algériens en furie.
Cette ambiance “gonflée” par l’énormité des rumeurs colportées par les médias locaux, et “gobées” sans aucune remise en cause par les Égyptiens, montre à quel point le match du 14 novembre “allume” les passions et est en train de dépasser de très loin le cadre du football, au point que de “vieux” dossiers ont été déterrés. On est même revenu au match de 1979 dans lequel le gardien égyptien de l’époque aurait été agressé par des joueurs algériens sans oublier l’épisode de Belloumi en 1989.
Ce constat reflète leur état d’esprit réactif. La “victimisation” à outrance leur fait accuser les Algériens d’“égyptophobie” primaire. Un constat amer, mais bien réel et qui s’amplifie de plus en plus à l’approche du Jour J.
Néanmoins, les Algériens se trouvant en ce moment sur place soutiennent qu’à aucun moment il n’ y a eu de bagarres ou même des insultes. “Ils n’oseront pas nous toucher parce que nous sommes pour eux des étrangers venus dépenser de l’argent. le tourisme est la principale rentrée d’argent du pays”, nous dira un “trabendiste” algérien rencontré du côté de la mosquée de sayidina-El-Hussein, qui précise : “en tout cas jusqu’au jour du match, parce qu’au stade, ils vont tous se transformer.”
C’est d’ailleurs ce que répètent à satiété les jeunes du Caire à leurs interlocuteurs algériens. “Vous êtes les bienvenus chez nous, mais n’essayez même pas de venir au stade parce que sur place on ne peut rien vous promettre, si ce n’est l’enfer.”
La langue officielle en Algérie est le… français !
Cependant, mis à part cette “connaissance” footballistique, qui sont les Algériens pour les Égyptiens ? Une question devant laquelle les réponses sont toutes les mêmes : “Qui ne connaît pas les habitants du pays du million de martyrs !” Mais encore ! Là, l’Égyptien fait un bug. Du balbutiement à l’approximation, il montre à chaque fois sa méconnaissance totale du “pays frère” du Maghreb. Ainsi plusieurs d’entre eux sont persuadés que la première langue en Algérie est le… français. Si vous essayez de leur faire comprendre qu’ils sont dans le faux, ils sont même prêts à vous contredire : “Vous ne pouvez pas me contredire puisque j’ai moi-même rencontré plusieurs jeunes algériens qui venaient régulièrement au café dans lequel je travaillais et ils ne parlaient qu’en français sans aucun mot en arabe et en plus ils ne comprenaient pas ce que je leur disais !” affirme avec une assurance non dissimulée Wael, serveur dans un café au Zamalek.
Pour lui, c’est même une évidence : “vous avez été longtemps colonisés par les Français et qu’il y a eu beaucoup de mélanges entre les deux peuples.” L’autre argument qui vient appuyer leur “vérité” est la présence d’une majorité de Franco-Algériens dans les organismes et institutions français se trouvant en Égypte : “Il suffit d’aller au centre culturel français pour s’en convaincre !” Si vous leur parlez de l’histoire de l’Algérie, en passant par Massinissa et Juba II, sans oublier les Fatimides qu’ils connaissent pourtant “bien”, ils vous écoutent avec étonnement sans pour autant se remettre en cause.
Ces idées reçues se sont même amplifiées avec le grand tapage des chaînes de télévision privées. Ces dernières, à l’image des deux chaînes Dream ou encore Modern Sport, sont devenues de véritables manipulatrices d’opinion au pays des Pharaons. Les éliminatoires de la Coupe du monde du football ont été une véritable poule d’or pour les patrons de ces télés, qui font et défont l’actualité locale depuis plusieurs semaines.
Malgré les nombreuses critiques sur le contenu de leurs programmes, les dérapages anti-algériens continuent crescendo. Cependant, il ne faut pas oublier que de l’autre côté, une certaine presse algérienne nage dans les mêmes eaux troubles. Coupables, c’est une évidence qu’ils le sont. Reste à savoir s’ils seront condamnés à temps.
Par : Salim Koudil
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