L’Expression: Comment appréhendez-vous le match choc Egypte-Algérie?
Ali Fergani: C’est un match capital. Je dis capital dans la mesure où c’est une qualification qui est en jeu. C’est un match derby. Nous allons jouer contre une équipe égyptienne que nous connaissons bien et qui nous connaît très bien. Ça sera chaud. Très chaud même, sportivement parlant. Les rencontres Algérie-Egypte dépassent un peu le cadre sportif comme à chaque fois. Ceci dit, nous allons jouer avec un avantage de trois points et de deux buts. Cette marge est très importante, il ne faut pas l’oublier. Donc, nous partons avec un avantage certain. Mais, un match de football reste ouvert à toutes les éventualités. Et comme vous le savez, le football n’est pas une science exacte.
Pensez-vous que les Verts ont les moyens suffisants pour arracher la qualification du Caire?
Je crois que nous avons une équipe qui a de la qualité. C’est une équipe qui a prouvé qu’elle a du tempérament. Les joueurs ont montré une âme et une volonté extraordinaires, notamment durant la seconde mi-temps du match aller face à l’Egypte. Ils ont dominé leurs adversaires. L’équipe a confirmé sa suprématie par la suite en battant la Zambie chez elle et à Blida. Elle a confirmé de bonnes choses aussi face au Rwanda à Blida. Face à cette équipe on aurait pu gagner avec un score plus large s’il y avait un arbitre honnête, malheureusement, ce n’était pas le cas. Outre les qualités physiques et techniques, les joueurs ont démontré une capacité mentale énorme. La preuve, ils ont égalisé dans les arrêts de jeu de la première mi-temps. Ils ont marqué aussi dans le temps additionnel de la rencontre. Cela prouve l’état d’esprit de cette équipe qui ne s’est pas du tout énervée, malgré les nombreuses provocations.
Quels sont, ainsi, les points forts de cette Equipe nationale?
Comme je l’ai dit, le point fort de cette équipe réside dans son état d’esprit. Cette équipe a une âme. Elle a une homogénéité. C’est une équipe qui s’est construite depuis 2004. Elle ne lâche rien. Je crois que nous avons les moyens de déranger cette équipe égyptienne chez elle. J’argumente mon opinion: lors du match aller à Blida, toutes les balles arrêtées sifflées pour l’Algérie ont provoqué le feu dans la défense égyptienne. De plus, l’Egypte a perdu un de ses piliers au niveau de sa défense, Djomâ qui est suspendu. Il ne jouera pas le match de ce samedi. Par contre, nos joueurs ont de la qualité dans l’exécution des coups francs et nos attaquants ont des gabarits impressionnants et ils jouent tous très bien de la tête. Voilà pourquoi, notre équipe a les moyens de déranger l’Egypte, surtout dans les balles arrêtées. Je crois que nos joueurs peuvent marquer au Caire et s’ils arrivent à marquer, ça sera un K.-O. pour l’Egypte.
La malédiction des blessures ne risque-t-elle pas de tout chambouler et fausser les calculs de Saâdane?
Les blessures font partie des aléas du foot. D’abord, j’espère que nos blessés arriveront à se rétablir d’ici samedi. Mais, il faut souligner que nos joueurs sont très bien pris en charge au niveau de leurs clubs respectifs et au niveau de l’Equipe nationale. Je pense qu’ils sont tous rétablis. C’est l’avantage qu’a l’Egypte dans la mesure où ses joueurs évoluent dans le Championnat égyptien et ils ont pu ménager leurs joueurs.
Quels sont les atouts qui pèseront lourd lors de cette rencontre?
Je répète qu’il faut bien savoir gérer ses nerfs dans un match de ce genre. Les Egyptiens vont rentrer avec l’intention de rattraper leur handicap de deux buts. Ils vont, donc, essayer, dès le début de la rencontre, de mettre le feu dans la défense algérienne. Ils vont essayer de marquer le plus tôt possible pour se mettre en confiance. Il faut bien tenir face à cette pression des premières minutes. Attention! lorsque je dis tenir face à cela ne veut pas dire s’arc-bouter en défense. Au contraire, il faut être téméraire et planter des banderilles qui vont «désarçonner» la défense adverse. On doit tenter de marquer et si on y arrive, les Egyptiens vont flancher.
Quelle est la meilleure tactique à adopter pour enregistrer un bon résultat en Egypte?
Je pense que Rabah Saâdane sait ce qu’il fait. Il connaît ses joueurs et il sait ce qu’il y a lieu de faire. On ne connaît pas encore l’équipe qui sera alignée. Elle sera arrêtée en fonction du rétablissement des blessés. Mais je pense qu’il n’y aura pas une équipe super-défensive. L’Algérie ne sait pas jouer comme ça, d’ailleurs. Une tactique super-défensive ne sera pas la bonne à mon avis. C’est vrai qu’il faut avoir une assise défensive très compacte. Il faut resserrer les lignes et jouer en bloc. Les joueurs savent très bien le faire. Il faut être solidaire, ignorer l’environnement et ne s’occuper que du jeu et essayer de créer le jeu et mettre le paquet sur les balles arrêtées.
Pensez-vous que les Pharaons ont les moyens de nous marquer trois buts samedi prochain?
A mon avis, non. Les joueurs égyptiens ont marqué trois buts contre le Rwanda chez eux et très difficilement, avec un penalty bonus de l’arbitre. L’Egypte est une équipe qui a dominé le football continental. C’est une très bonne équipe qui peut faire de très belles choses en un seul match. On l’a vue en Afrique du Sud où ils ont battu l’Italie et ont tenu tête au Brésil, mais ils ont flanché contre les USA. C’est une équipe qui peut faire mal sur un seul match. Il faut se méfier et tenir compte des arguments qu’ils présentent. On doit respecter l’adversaire qui est respectable en sa qualité de champion d’Afrique, mais il ne faut pas le craindre. Je dis franchement, la seule raison d’une éventuelle élimination est que notre équipe s’écroule et ça, je ne le crois pas. La seule raison est que notre équipe sera dans un jour sans. C’est ce que je n’y crois pas du tout.
Les matchs Algérie-Egypte revêtent toujours un caractère spécial. Pensez-vous que la génération actuelle, composée essentiellement de joueurs professionnels, a cette culture du match choc Algérie-Egypte?
Ils découvrent cette particularité. Ils ont déjà joué contre l’Égypte en 2004 en Tunisie et ils ont joué le match aller à Blida. Ils ont découvert l’engouement qu’il y a autour de cette rencontre. On verra plus, après samedi prochain. Ils sont en train d’écrire leur histoire. Ils l’ont écrite en lettres d’argent, c’est à eux maintenant, de l’écrire en lettres d’or. Mais, je pense que les joueurs ont du tempérament et du caractère qui leur permettront d’entrer dans l’histoire du football national. En plus, ils sont habitués à jouer devant le grand public en Italie, en Angleterre, en Allemagne et en France. En outre, le public au Caire aura tout de même le droit de supporter son équipe. Au stade du Caire, il n’y aura pas d’obscénités.
En tant qu’acteur du Mondial 1982 en Espagne, pourriez-vous nous remémorer les moments vécus avant la qualification?
Le match face au Nigeria à Lagos était très difficile. Nous avons joué devant plus de 120.000 spectateurs au stade de Lagos qu’on appelle «l’enfer de Surulere». Pratiquement, aucune équipe n’a réussi à tenir le coup à Lagos. La présence d’un arbitre italien a fait notre bonheur. Cela nous a aidés à jouer normalement. C’était un combat de tous les instants. C’est une véritable bataille menée pour chaque seconde de la partie. Malgré cela, nous avons réussi à marquer deux buts et mérité largement notre victoire.
Nous possédions un groupe extraordinaire. On vivait ensemble bien avant les éliminatoires. Nos joueurs de l’époque rentraient sur le terrain rien que pour jouer. Ils ne connaissaient pas la pression. Ils se contentaient de ce qui se passait sur le carré vert et rien d’autre. A l’époque, il y avait une grande complémentarité et homogénéité entre les joueurs.
Pouvez-vous nous raconter quelques moments vécus en Egypte?
Ce sont des moments assez particuliers. Je me rappelle que les Egyptiens tentaient à chaque fois de nous déstabiliser, ils venaient à l’hôtel pour faire du bruit. Moi-même, j’étais agressé à l’intérieur de l’hôtel. Je me rappelle, aussi, que les supporters continuaient à nous «engueuler», même s’ils avaient remporté le match. Imaginez un instant si nous avions gagné, ils nous auraient tués. (sourire).
Quelle est, selon vous, la différence entre votre génération et celle d’aujourd’hui?
Je ne vois pas de différence. L’ancienne a été formée ici en Algérie et celle d’aujourd’hui a été formée à l’étranger. Je dis que nous avons cette chance d’avoir des joueurs qui évoluent dans les grands clubs. Enfin, les deux générations représentent les couleurs nationales. Nous les connaissons bien. Il faut leur demander s’ils connaissent l’équipe de 1982. Je ne sais pas s’ils nous connaissent ou pas. Je pense que l’équipe d’aujourd’hui a fait un parcours excellent. N’oubliez pas que nous sommes qualifiés à la Coupe d’Afrique. L’appétit vient en mangeant. Ce serait vraiment dommage que cette équipe ne se qualifie pas au Mondial. Même si je suis convaincu qu’elle va se qualifier. Sinon, ce sera un goût d’inachevé.
Quelques conseils aux joueurs?
De toutes les façons, mes conseils ne vont pas leur parvenir (sourire). Les joueurs savent ce qu’ils ont à faire. A bien se préparer. Ne pas jouer le match avant et appliquer les conseils de l’entraîneur. Il faut être solidaire et y croire jusqu’au bout.
Que diriez-vous aux supporters?
Le public algérien a confiance en cette équipe. On l’a vu plusieurs fois lui manifester son engouement. Cette équipe peut nous donner encore de la joie. J’espère qu’elle sera qualifiée et, nous retrouver, tous ensemble, samedi prochain dans les rues pour défiler.
Où allez-vous suivre ce match choc?
Je ne vais pas aller en Egypte. J’ai mes occupations. Une chose est certaine, je vais suivre la rencontre soit d’Algérie ou de France. Incha Allah, notre équipe fera un bon résultat en Egypte et ira en Afrique du Sud.
Interview réalisée par Tahar FATTANI
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