Cette fin d’année 2009 annonce-t-elle la fin de la crise économique mondiale ? La récession a été stoppée, l’activité économique s’améliore dans les différents pays d’Europe, aux Etats-Unis et au Japon. Les marchés financiers remontent. Pourtant, les analystes restent prudents et même pour certains d’entre eux, inquiets : des menaces sérieuses persistent.
• A court terme, les pays de l’Opep ne pourront pas éviter un recul de la consommation.
Jusqu’en 2009, la consommation des ménages a résisté grâce à deux facteurs :
a) les déficits publics et les différents transferts aux ménages ;
b) le recul de l’inflation dû à la baisse des prix des matières premières. Mais pour les mois qui viennent, les consommateurs vont souffrir de
1/ la stabilisation des déficits publics qui ne soutiendront donc plus la croissance de la consommation (arrêt des primes à l’achat des voitures par exemple).
2/ La remontée de l’inflation avec celle des prix des matières premières.
3/ La poursuite des pertes d’emplois et donc la poursuite de la hausse du chômage.
4/ Le freinage et même le recul des salaires aux USA (à cause du chômage élevé et de la volonté des entreprises de restaurer leur profitabilité).
• A plus long terme, plusieurs menaces sérieuses apparaissent (voir bulletin économique Natixis banque n° 475 - oct. 2009) :
1/ Les pertes irréversibles d’emplois liées à la crise ne pourront plus être compensées par le soutien de la demande via le crédit. Le secteur privé est obligé de se désendetter ce qui va induire une contraction de la demande liée aux crédits : construction, biens durables des ménages, biens intermédiaires pour la construction, biens d’équipements...
2/ La «déglobalisation» semble apparaître avec la substitution de la production domestique aux importations dans les pays émergents : la croissance des émergents ne tire plus la croissance des pays de l’OCDE.
En effet, on observe, aujourd’hui, que même dans les pays émergents où il y a une reprise forte de la demande intérieure, il n’y a pas de reprise nette des importations et la composante des importations qui redémarre est celle des importations des matières premières. Les pays émergents sont de plus en plus capables de fabriquer eux-mêmes les biens qu’ils consomment sans faire appel aux producteurs des pays de l’OCDE.
De plus, la déglobalisation entraînerait un transfert accru de capitaux et de capacités de production vers les pays émergents. Si ce processus de déglobalisation se confirme, l’étude de Natixis souligne qu’il va entraîner deux conséquences :
«a) Un écart important et durable de croissance entre les pays émergents et les pays de l’OCDE, la croissance des émergents ne tirant plus beaucoup celle des pays de l’OCDE.
b) Un transfert croissant de capital des pays de l’OCDE vers les pays émergents tant en ce qui concerne les investissements des entreprises que les investissements financiers.»
3/ Les déficits publics très importants contractés pendant la crise seront difficiles à résorber et risquent d’accaparer l’épargne des pays de l’OCDE.
Ces déficits publics risquent aussi de conduire à une forte hausse des taux d'intérêt surtout si les Banques centrales des pays émergents ne seront pas disposées à les financer.
L’accumulation des dettes publiques aura un effet négatif sur la croissance :
- il y a un risque de passage à des politiques budgétaires restrictives ;
- il y a un risque de remontée des taux d’intérêt ;
- il y a un risque d’éviction si l’épargne est allouée à la résorption du déficit public au détriment des entreprises. 4/ Les politiques monétaires mises en place dans les pays émergents et de l’OCDE conduisent à une forte croissance de la liquidité internationale favorable aux bulles financières.
Pour que la crise économique mondiale actuelle soit vraiment terminée, quatre conditions doivent être réunies qui sont requises par l’étude de Natixis banque :
«a) De nouveaux secteurs doivent émerger et créer massivement de nouveaux emplois dans les pays de l’OCDE (secteurs de la «croissance verte», secteurs des TIC...)
b) Le commerce mondial doit arrêter de se contracter.
c) Les gouvernements doivent mettre en place des politiques de réduction des dépenses publiques et réduire les déficits en veillant à ne pas obérer la croissance économique.
d) Les Banques centrales doivent se discipliner et arrêter de faire croître sans limite la taille de leur bilan.»
Comme on peut le voir, la sortie de la crise de l’économie mondiale sera longue à se dessiner. Pour notre pays, il y a là un contexte contraignant qui devrait nous obliger à réfléchir sérieusement à un nouveau régime de croissance pour notre économie surtout que le pétrole agit toujours et, de plus en plus, comme un puissant soporifique.
Les pays de l’OCDE auront encore à affronter, sur le moyen terme, le problème d’une demande interne déprimée, des fardeaux de déficits publics et d’endettement des Trésors, une contraction des financements venant des pays émergents excédentaires. Les entreprises du Nord chercheront à aller investir directement sur leurs marchés d’exportation pour garder leurs parts de marché et comprimer leurs coûts de production.
De même chercheront-elles à développer l’offshore et délocaliser un certain nombre de services (à l’entreprise) sur des sites du Sud moins «coûteux». Ce sont ces fenêtres d’opportunité que notre pays devrait analyser de plus près et s’y engouffrer dans le cadre de ce nouveau régime de croissance auquel nous appelons.
Par Abdelmadjid Bouzidi
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire