Quand l’Algérien moyen se lève le matin, il fait toujours très attention: après avoir maudit trois fois le nom du Malin, il pose délicatement et en premier son pied droit dans sa pantoufle et bénit le ciel de lui avoir permis de se réveiller sain et sauf, malgré une nuit agitée par de confus cauchemars. Ce sont toujours les mêmes mauvais rêves qui l’habitent, rêves hérités d’une vie abrupte où les soucis domestiques sont amplifiés par une inflation galopante et un environnement immédiat hostile.
Cependant, il n’arrête pas de répéter les louanges de reconnaissance envers le Créateur qui, dans Son Infinie Miséricorde, l’a gratifié d’une bonne santé et d’un optimisme à toute épreuve. Parvenu à l’âge d’homme mûr, ayant accompli les tâches principales dictées par la Nature et la société, il considère avec fierté la petite famille qu’il a créée, de connivence avec sa conjointe que le destin lui a fait rencontrer un jour, à un moment et dans des circonstances où il s’attendait le moins.
Ayant fait traverser à sa progéniture toutes les épreuves d’une époque tumultueuse, lui faisant éviter tous les écueils dressés par des institutions perverties, il peut, avec orgueil, envisager un avenir serein. Certes, il avait jusque-là, construit sa vie en se donnant des priorités: un emploi, un toit, une famille. Tout le reste, c’ était de la littérature pour lui! Donner de solides bases à ses enfants était sa première priorité: un comportement conforme à la morale et un pragmatisme économique.
C’est sur ce dernier point qu’il avait le plus insisté, car c’était selon lui, le talon d’Achille de la plupart de ses compatriotes: ayant bénéficié d’une situation originale, ils percevaient des salaires sans contrepartie économique et cette position d’éternels assistés leur avait donné une assurance quant à l’avenir. Par contre, lui, il avait toujours enseigné à ses enfants de prendre exemple sur le modèle des pays développés: dépenser une partie des revenus dans les chapitres essentiels de la vie et économiser pour pouvoir affronter l’avenir dans de bonnes conditions. En plus d’un métier solide et utile pour la société, il leur avait inculqué le besoin d’apprendre tous les jours un peu plus et de s’ouvrir à la culture universelle qui est la finalité d’une vie bien remplie.
Car, il faut le dire, il a toujours éprouvé de l’aversion pour les discussions stériles qui réunissaient ses voisins, jeunes et vieux, à chaque fin de semaine. C’étaient des conciliabules sans fin toujours autour du même sujet: le football. On dirait que c’était leur préoccupation essentielle! Dès qu’un match «important» s’annonçait, il y en avait qui montaient à la terrasse ou s’agrippaient à leurs fenêtres pour régler leur parabole.
Et le quartier vivait à chaque rendez-vous sportif une nuit d’enfer. Il ne s’étonnait pas que son voisin le plus proche, supporter fanatique d’un club populaire, ait contaminé ses enfants du même engouement pour le ballon rond: ils avaient tous raté leur scolarité et tentaient tous, arrivés à l’âge adulte où il fallait trouver un emploi, d’émigrer clandestinement.
Et c’est cela qui confortait l’Algérien moyen dans ses certitudes: ne jamais mettre la charrue avant les boeufs et ne pas lâcher la proie pour l’ombre. Pour lui, la création d’une usine de construction automobile était beaucoup plus importante que le match Algérie-Egypte. Au fait, existe-t-il un prix Nobel de football?
Selim M’SILI
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