dimanche 15 novembre 2009

Si près du Caire, si loin de son enfer

Le pays entier se relève difficilement d'une gueule de bois dont il aurait aimé d'autres arômes et d'autres couleurs, mais bon. Les Algériens auraient aimé la belle sérénité des lendemains de victoires fêtées dans l'agitation et dans l'excès, mais ils savent aimer ce qu'ils ont quand ils n'ont pas ce qu'ils aiment.

A commencer par cet espoir – tout le monde vous dira qu'il est intact – de se qualifier en Coupe du monde en allant chercher une victoire à Khartoum, la capitale soudanaise. Les Algériens savent aussi qu'il y a autant de leçons à tirer dans la liesse partagée que dans les élans de solidarité éphémère que procure la détresse commune.

Hier, les visages étaient blêmes de désillusion et de manque de sommeil, mais paradoxalement, le teint blafard et les regards absents renvoyaient plus de détermination que de résignation. Non, ce n'est pas l'éternel recommencement. Le rêve est encore là. S'y mêlent encore une multitude de regrets tenaces et quelques remises en cause apaisées, se profilent à l'horizon d'autres façons d'envisager la passion du foot et d'autres regards sur l'adversaire, mais le fait est que toutes les raisons d'encore rêver sont là.

Peut-être encore un peu trop proche du Cairo Stadium mais tout de même à distance respectable de son enfer. Timidement, mais avec beaucoup de promesses, les rues d'Alger ont esquissé l'ultime mi-temps sur les sentiers sud-africains pour un avertissement solennel : le ventre de la passion est encore fertile de générosité dans l'effort.

Et pour l'une des rares fois sans doute, les voix entonnent le refrain de l'essentiel : gagner pour aller en Coupe du monde et, cerise sur le gâteau, laver dans l'apaisement sportif l'affront vécu sur un terrain qui ne l'a pas été. Hier, dans les mines défaites et les regards hagards, il n'y avait pas de haine, seulement l'assurance de femmes et d'hommes convaincus d'avoir été injustement privés d'une victoire par des chemins détournés.

Déçus mais presque heureux d'aller récupérer «ça» au bout d'un parcours qui aurait pu être moins lu et surtout moins violent. L'«essentiel» a commencé hier très tôt. Le voyage pour Khartoum, ses visas, ses billets d'avion et ses tickets de stade. Le reste inchangé.
Les cortèges se font de plus en plus nombreux et de plus en plus bruyants. Plus que deux jours.

C'est trop court et trop long, mais la bande à Saâdane est déjà confortablement installée pour récupérer de sa généreuse débauche d'énergie et de son enfer, si près de la capitale soudanaise. Mercredi, sur la pelouse, à l'abri des pierres et des vociférations haineuses, sera un autre jour.

Slimane Laouari

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