Moment télé très fort mardi sur France 2. Le thème «comment se débarrasser de l'alcool ?» aurait pu tomber dans le lieu commun, puisqu'il s'est installé dans le débat public depuis assez longtemps pour revenir avec quelques clichés indéboulonnables mais toujours utiles.
Et il y en a eu des clichés, tout au long des deux heures d'émission. Les sentiers battus n'ont pas pour autant été envahissants et il n'était pas aisé de décrocher de l'écran parce que tous les ingrédients qui pouvaient entretenir l'attention étaient là.
A commencer par l'émotion. Débarrassé de tout complexe, un jeune homme physiquement et moralement ravagé par la bouteille tentait de raconter, sans toujours y parvenir, son cauchemar quotidien, une longue canette de bière collée à la main et à la bouche.
Plus loin, ses parents tentaient de retenir des larmes coupables de n'avoir pas vu venir le monstre qui a transformé leur beau garçon en loque humaine. Sur le plateau, des invités, un comédien qui s'en est sorti grâce à son ambition artistique pense à «ceux qui n'ont pas cette chance» et les conseille, sans une once de morale dans le propos, de trouver des raisons de renaître. Un autre, journaliste de son état, se remémore tout le calvaire qu'il a fait subir à ceux qui l'aiment, avant d'«arrêter ça» avec détermination.
Une femme disait comment l'alcool a failli détruire son couple et à quel prix elle a aidé son mari à s'en sortir grâce à un amour auquel elle n'a pas pu renoncer.
Dans un centre de cure réputé de Marseille, les caméras de France 2 ont accompagné les va-et-vient d'un homme alcoolique qui veut bien se soigner et qui y trouve des difficultés en raison de sa précarité sociale. Entre le centre de désintoxication et le foyer d'hébergement pour SDF, les séjours se ressemblent trop pour provoquer la rupture, mais il y croit et s'accroche à sa… guitare, manifestement seul objet à l'arracher un moment à ses déboires.
Entre un témoignage extérieur et une intervention sur le plateau, sont diffusés des séquences du film Le dernier verre pour la route, dialogue plein d'émotion et d'espoir entre un père accro et un fils qui croit naïvement que, pour arrêter de boire, il suffisait de ne plus boire. Les médecins invités expliquaient tout simplement la «maladie», sans culpabiliser quiconque, sans faire la leçon.
L'un avouait que le plus grand danger du whisky est que «c'est si bon», tandis qu'un autre confiait que l'alcool lui avait ouvert beaucoup de portes sociales et professionnelles. Grand moment télé, mais c'était quand même sur France 2. Peut-on rêver d'un moment pareil sur l'ENTV ?
Il faudrait peut-être commencer par parler de l'alcoolisme comme une maladie, pas comme un vice dont il faut vouer les sujets aux gémonies. Existe-t-il des centres de cure, des associations des médecins spécialisés et des malades guéris capables de témoigner sans masque et des hommes susceptibles de regarder leur femme dans les yeux pour lui dire «pardon pour le mal que je t'ai fait» et reconnaître qu'ils s'en sont sortis grâce à elle ? On pourrait commencer par en parler.
Slimane Laouari
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